"Hors la loi", film qui brigue la Palme d'Or du 63e Festival de Cannes sous la bannière algérienne, doit permettre d'ouvrir un débat dépassionné sur le passé colonial de la France, de l'avis de Rachid Bouchareb. Le cinéaste franco-algérien, dont le précédent long métrage "Indigènes" avait valu à ses acteurs un Prix d'interprétation collectif à Cannes en 2006, s'est dit "attristé, peiné" de la polémique que "Hors la loi" a suscitée dès avant sa projection sur la Croisette vendredi.Ce film, qui évoque notamment les émeutes du 8 mai 1945 à Sétif, est vivement critiqué par certains milieux rapatriés. Le député UMP Lionnel Luca, avant d'avoir vu le film, a dénoncé une vision "antifrançaise" et "hémiplégique". L'élu relève que l'oeuvre a été financée "à plus de 50%" par l'Etat français.Un millier de personnes, dont des députés, ont manifesté vendredi matin à Cannes pour protester contre la projection du film.Les acteurs Jamel Debbouze, Roschdy Zem et Sami Bouajila, déjà présents dans "Indigènes" ont repris du service - le second film s'inscrivant dans le prolongement du premier -, jouant les trois frères d'une famille expulsée de sa terre dans les années 20.Après les massacres de Sétif, Saïd (Jamel Debbouze) émigre en France avec sa mère et fait fortune dans le milieu de Pigalle et de la boxe.Il est rejoint par ses frères Messaoud (Roschdy Zem) et Abdelkader (Sami Bouajila). Messaoud est rescapé de la guerre d'Indochine, tandis qu'Abdelkader va devenir un idéologue pur et dur du Front de libération national (FLN) algérien. Il va être aidé dans ses tâches de recrutement par Messaoud, tandis que Saïd fera cavalier seul. "OEUVRE DE FICTION" "Ce film est plutôt destiné à ouvrir un débat dans la sérénité", a dit Rachid Bouchareb lors d'une conférence de presse, remerciant le délégué général du festival, Thierry Frémaux, d'avoir accueilli le film malgré les pressions que, selon le cinéaste, ce dernier a subies."Que ça suscite une telle violence autour du film, j'estime que c'est exagéré, que sans avoir vu le film, on dise tellement de choses autour du film... J'ai été un peu attristé, un peu peiné"."Mon film n'est pas là pour provoquer des affrontements mais bien au contraire pour ouvrir un débat et qu'enfin tout le monde puisse s'exprimer autour du film et que demain une page se tourne", a ajouté Rachid Bouchareb, soulignant que son intention première dans ce film n'avait pas été de "crever un abcès"."Ouvrons le débat, dans la sérénité", a-t-il dit.Se défendant d'avoir voulu faire un film "antifrançais", une épithète qui avait également stigmatisé "Indigènes", Rachid Bouchareb a rappelé que "Hors la loi" était "coproduit par deux ministères, sur la même idée, sur le même projet".Le film est une coproduction entre cinq pays, France, Algérie, Belgique, Tunisie et Italie, et le nombre d'organismes publics étant intervenu est assez impressionnant, du CNC au ministère algérien de la Culture en passant par l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, entre autres."Hors la loi" n'a pas vocation à être une analyse historique, c'est une oeuvre de fiction, a insisté le cinéaste.Avant d'ajouter: "Je ne discuterai pas avec les gens qui veulent faire du film un champ de bataille et l'utiliser pour des raisons personnelles".Dans ce climat tendu, Jamel Debbouze est venu apporter sa touche d'humour personnelle. "Quand ils (les producteurs) le (Bouchareb) voient arriver, ils ont l'impression de voir arriver Al Qaïda cinéma", a-t-il plaisanté, au sujet du processus de production de "Hors la loi". Ou plus provocant encore: "Moi aussi, je me suis fait violer par Roman Polanski quand j'avais 16 ans". Debbouze: "Polanski m'a violé quand j'avais 16 ans. C'est une note d'humour à la fin de la conférence de presse de "Hors la loi" à Cannes. Elle est signée de Jamel Debbouze.Alors que Rachid Bouchareb répondait à une journaliste et en profitait pour "lancer un appel au secrétaire d'Etat des anciens combattants pour dire que les promesses qui ont été faites aux anciens combattants n'ont pas été tenues", Jamel Debbouze l'interrompt. "Une dernière chose que j'aimerais déclarer à la presse entière. Moi aussi, je me suis fait violer par Roman Polanski quand j'avais 16 ans. Et j'aimerais que tout le monde le sache". La semaine dernière, l'actrice britannique Charlotte Lewis, 42 ans, a accusé Roman Polanski de l'avoir "abusée sexuellement" alors qu'elle avait 16 ans.