Il a été beaucoup question de l'audiovisuel cette semaine. C'était le 43e anniversaire du " recouvrement de l'indépendance " pour la radio et la télévision algériennes. L'occasion pour le patron de l'ENTV d'annoncer le lancement de huit nouvelles chaînes de télévision thématiques d'ici à 2009. Le boom de l'audiovisuel, tant réclamé, serait donc en train de se dérouler sous nos yeux avec cette touche particulière qu'il est, à l'inverse de la dynamique de l'économie, totalement porté par le secteur public. Pour conforter le pronostic,le projet de loi de finances pour 2006 prévoit pour le département de l'information - toujours orphelin d'un ministre - la hausse la plus importante de tous les budgets sectoriels. Il est vrai que le ministère de l'Information part de très bas - 800 millions de dinars- pour passer le cap des 3 milliards de dinars de dépenses prévisionnelles l'année prochaine. A la place de l'ouverture de l'audiovisuel supposée relancer une économie des métiers du son, de l'image et de la création, l'Etat propose une expansion de l'audiovisuel fermé. Pourquoi faire la fine bouche si du point de vue de la pure comptabilité cela crée autant d'emplois et d'activités que la naissance d'une kyrielle de chaînes privées de télévision et de radios ? Tout simplement parce que l'expérience de la presse écrite est passée par là, et qu'elle a montré que la multiplication des titres publics ou parapublics (pour les journaux soutenus par l'Etat) est une contrainte pour le Trésor public et le contribuable sans la prestation de service public qui peut la justifier. Tous les emplois créés par la grâce de titres de presse à tirage confidentiel à moitié portés par la publicité factice acheminé par l'Etat et à moitié par les impayés aux imprimeries publiques sont des emplois factices. Ils existent par décret politique. Nous savons en Algérie que ce n'est jamais très bon. Le gonflement de l'audiovisuel public - annoncé de partout - risque fort de ressembler à une immense pompe aspirante de dinars pour un intérêt au profit de la collectivité des plus improbables. Non pas que le service public n'a pas besoin de nouveaux instruments pour son déploiement. Tous les jours des œuvres inspirées débordent encore de leurs niches sur les ondes des radios publiques, plus rarement de la télévision, pour rendre grâce à la sacro-sainte mission d'utilité publique. Des chaînes thématiques à la télévision publique ? Il paraît que le projet a été reporté plusieurs fois durant ces trois dernières années. Pourquoi ? Parce que le business des médias n'est pas extensible à l'infini sans une part de liberté des contenus. Or les contenus sont le moteur de l'activité dans l'audiovisuel. Des chaînes à programmes publics- même thématiques - ne peuvent pas être le débouché d'une véritable industrie de la production audiovisuelle. En l'absence d'une concurrence d'audience avec des chaînes privées elles seront trop sélectives dans les programmes qu'elles diffuseront. En particulier dans un pays comme l'Algérie où les acquis de la liberté d'expression sont en train d'être remis en cause. Des grandes boîtes de communication étrangères implantées en Algérie, comme Mac Cann, cherchent à se doter de studios pour construire des plateaux et réaliser des tournages. Le film publicitaire est un pan de l'amont audiovisuel. Le vrai décollage de l'activité de production sous toutes ses coutures reste lié à l'ouverture du secteur. Signe qui ne trompe pas, des quatre entreprises nées de la restructuration de la RTA en 1986 manquait une seule lors de la fête d'anniversaire jeudi à la Coupole : l'ENPA, chargée de la production audiovisuelle. Elle a été dissoute, et c'est là le vrai indicateur d'activité de la filière publique sons et images.