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Un colloque « au-delà des pressions officielles et des lobbies de mémoire »
Publié dans El Watan le 31 - 10 - 2005

Un colloque ayant pour titre « Pour une histoire critique et citoyenne. Au-delà des pressions officielles et des lobbies de mémoire. Le cas de l'histoire franco-algérienne » se tiendra les 7, 8 et 9 juin 2006 à l'Ecole normale supérieure de Lyon.
Dédié à la mémoire de Charles-André Julien, Maxime Rodinson, Xavier Yacono, cette importante manifestation sera placée sous la présidence d'honneur de Charles-Robert Ageron, Mahfoud Kaddache, Mostefa Lacheraf, Ali Merad, André Nouschi, Annie Rey-Goldzeiguer, Pierre Vidal-Naquet. « Dans un contexte où s'affrontent, sur le sujet sensible de l'histoire franco-algérienne, les porte-parole de groupes de mémoire adverses, et des pressions ou injonctions d'histoires des deux côtés de la Méditerranée », le colloque se propose pour « assainir et apaiser » le débat de « rendre la parole à l'histoire » ; « cela en vue d'éclairer les sociétés concernées par un panorama aussi large que possible des recherches acquises et de celles qui sont en cours ; notamment pour la génération née à la fin de la guerre de 1954-1962 et dans les années suivantes, qui n'a guère travaillé sur cette histoire, et la connaît souvent mal ; et qui, sur le plan citoyen, n'a pas été formée dans le contexte de cette guerre. » Des historiens français, autres européens et algériens aborderont, classés en 14 rubriques, plusieurs thèmes qui permettront de faire un bilan du savoir constituant « une base pour la diffusion de connaissances avérées, hors des idéologies et des passions ». Ils ambitionnent de traiter sans tabous le plus grand nombre possible de sujets touchant à l'histoire franco-algérienne, de manière à fixer les éléments d'un « savoir historique partagé ». Le colloque devra aborder la moyenne et la courte durées. Il ne devra pas se limiter aux aspects politiques, afin d'embrasser aussi bien l'économie que les migrations, le poids des structures sociales et des mentalités, voire de l'inconscient. Mais il devra aussi parler d'histoire politique, d'histoire militaire, de la colonisation, des résistances à la colonisation, et du nationalisme ; sans compter encore de culture, de littérature et d'art. Le comité d'organisation du colloque projette donc que soient abordés les thèmes suivants : « Le poids du passé » ; « Pouvoirs d'Etats et états » ; « Administrer, paternaliser, réprimer » ; « Le soubassement économique » ; « Le degré 1 de l'histoire : les faits » ; « Sociétés » ; « Religions et sociétés » ; « Résistance anticoloniale et nationalisme » ; « Vie politique » ; « Anticolonialismes français » ; « Comparatismes » ; « Histoire officielle, histoire idéologique » ; « Transmission des savoirs ; Représentations et culture(s) »
Point de départ d'une vaste concertation transméditerranéenne
« Notre colloque pourrait être le point de départ d'une vaste concertation transméditerranéenne entre chercheurs et enseignants », précisent les initiateurs. Ce colloque se veut être « un carrefour international de la recherche historique », car il existe d' « éminents savants, arabes, anglais, allemands, italiens... qui n'ont que rarement droit de cité dans le paysage audiovisuel tant algérien que français, et qui sont même souvent inconnus de bien des Algériens et de bien des Français ». Ce projet de colloque est né en France, à l'origine, du mouvement de protestation du collectif d'historiens qui s'est constitué contre la loi du 23 février 2005, notamment en son article 4. Il est fondé sur l'idée que « la recherche et l'enseignement doivent rester libres de toute injonction politique ». Il vise ainsi à promouvoir « l'histoire des historiens », laquelle reste souvent confinée dans les cercles restreints de l'université et autres instituts de recherche ; cela pour mettre à la disposition du public une histoire s'efforçant d'être honnête. « Les historiens, même s'ils sont reconnus dans leur spécialité par le microcosme universitaire, peinent à faire entendre leur voix sur des sujets brûlants, et qui brûlent encore. » « On aurait pu penser que, 45 ans après l'indépendance de l'Algérie, la sérénité dont tentent de faire preuve les historiens s'imposerait. » Les initiateurs du colloque envisagent une publication des actes en deux volumes par l'Ecole normale supérieure dans sa collection Sociétés Espaces-Temps.
« Une fondation franco-algérienne pour l'histoire totalement indépendante »
« Il y a des passés qui ne passent pas. Ils ne passent pas parce que, de manière nullement désintéressée, des lobbies de mémoire continuent à attiser la braise. Les Etats, de leur côté, ne jouent pas décisivement la carte de la clarification et de la sérénité », soulignent les historiens organisateurs du colloque de Lyon. « Si l'ambassadeur de France en Algérie a eu à Sétif des mots justes pour évoquer le drame du Constantinois de mai 1945, les élus de la nation ont accouché de la loi du 23 février 2005 qui, en son article 4, cette loi édicte que ‘‘les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord.'' » Le colloque entend poser sur les bases du savoir la question de la création d'une fondation franco-algérienne pour l'histoire. L'article 3 de la loi du 23 février 2005 prévoit en effet la création d'une fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie, des combats du Maroc et de Tunisie, susceptible de disposer de crédits destinés à financer des travaux de recherche. « Et c'est là que le bât blesse. Car une fondation pour la mémoire n'est pas une fondation pour l'histoire ». « La fondation envisagée, si elle s'avérait prisonnière des associations de rapatriés pieds-noirs et harki(s) auxquelles s'adresse l'ensemble de la loi, ne serait alors pas un lieu pour historiens. » « Car cette fondation est bien inscrite dans une loi qui rend hommage à une seule catégorie de victimes : celles qui se sont battues pour l'Algérie française. Il y a bien là contradiction avec l'actuelle politique du Président de la République française qui travaille à la signature d'un traité d'amitié franco-algérien. Si les chercheurs ont besoin d'une fondation, celle-ci doit à notre sens être une fondation franco-algérienne pour l'histoire, totalement indépendante. » Les historiens ne manquent pas de relever que « de son côté, le pouvoir d'Etat algérien tend à monopoliser l'écriture et l'enseignement de l'histoire. Les Archives nationales algériennes dépendant de la Présidence. Les chercheurs n'y accèdent que sur autorisation spéciale. Et le ministère algérien de l'Education s'accommode encore de l'utilisation de manuels d'histoire conçus dans les années 1970 et 1980, qui continuent à abreuver les élèves algériens de contrevérités et d'héroïsme de commande, et qui sont encore trop souvent une caricature d'histoire ». Et de conclure : « Nous espérons enfin que le projet de traité d'amitié franco-algérien se concrétise et que ce colloque constitue une pierre scientifique à l'édifice de réconciliation. »
Le comité scientifique du colloque se compose de Richard Ayoun, Omar Carlier, Daho Djerbal, Jacques Frémeaux, Fatima Zohra Guechi, Mohammed Harbi, Jean-Charles Jauffret, Claude Liauzu, Gilbert Meynier, Valérie Morin, Gérard Noiriel, Fouad Soufi, Ouanassa Siari-Tengour, Benjamin Stora et Sylvie Thénault.


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