Maire FFS d'une commune côtière, Ali Rabehi cumule 11 ans à la tête de l'Assemblée populaire communale de Souk El Tenine. Il connaît et subit le code communal suffisamment pour considérer que l'élu est aujourd'hui «inutile». -Les élus se plaignent que l'actuel code communal les empêche de travailler librement. Est-ce votre avis ? Et quelles en sont les contraintes ? Oui, c'est aussi mon avis. Les contraintes sont diverses, notamment concernant la gestion du foncier et par conséquent il y a une influence négative sur l'implantation des projets économiques. Je citerai des exemples concrets. Un promoteur a sollicité des terrains pour implanter une usine de produits électroniques. L'assemblée communale a donné un avis favorable par un choix de terrain mais qui a été rejeté par l'administration. Ce promoteur a fait la même demande à Sétif et c'est le wali qui lui a répondu en lui donnant le double de ce qu'il a demandé. Deuxième exemple : une demande a été formulée pour l'implantation d'un hypermarché à Souk El Tenine qui va employer entre 1000 et 1500 personnes. L'assemblée a accepté d'accorder au promoteur un terrain de 6 hectares. Aux dernières nouvelles, l'administration a rejeté cette demande. -Et le code communal dans tout ça ? C'est que du fait des dispositions de ce code communal l'assemblée communale ne peut pas gérer le foncier situé à l'intérieur du PDAU de la commune. Si c'étaient les assemblées communales qui géraient le foncier ces cas qui ne se seraient pas arrivés. Personne ne pourra m'empêcher en tant qu'élu de donner des terrains à des capitaines de l'industrie. Malheureusement, ils nous tiennent par le foncier et les finances. -Le code communal s'applique pourtant même ailleurs… Il y a une discrimination pour l'implantation de projets économiques rentables quant aux retombées directes et indirectes dans l'emploi et la fiscalité dont l'APC bénéficiera. C'est la lecture que je fais et personne ne pourra me convaincre du contraire. Tout projet orienté vers l'exportation doit pourtant être implanté près du port. Concernant l'hypermarché, un projet similaire est implanté dans un champ de blé à proximité de l'autoroute passant par Bouira. -Et cela se répercute sur le développement local… Oui, malheureusement. Et aussi sur la satisfaction des attentes des citoyens dont le problème n°1 est l'emploi. L'instabilité sociale est alors permanente. Et quand il y a cette instabilité, elle appelle forcément des fermetures de routes, de sièges d'APC, et c'est l'administration qui accourt pour apporter des solutions. Cela traduit, aux yeux des citoyens, l'incapacité des élus à répondre à leurs attentes. Cet état social est maintenu volontairement pour toujours voir l'administration intervenir afin de régler les problèmes posés parce qu'elle s'est attribué le rôle d'arbitre et l'élu, lui, est presque inutile. -Le projet de loi du nouveau code communal risque d'élargir le contrôle de l'administration sur les communes. Qu'en pensez-vous ? La situation s'aggravera davantage pour la simple raison que la centralisation est dépassée ailleurs, c'est-à-dire là où un élu a un pouvoir. La décentralisation est le mode de fonctionnement administratif d'un Etat moderne qui est le contraire d'un Etat policier. La centralisation est l'antithèse du développement de la démocratisation de la vie publique et des rapports élus-électeurs dont la commune est la cellule de base. Plus de 1500 communes saines donneront forcément un Etat sain. Seulement, on n'a pas des hommes d'Etat sains pour penser à développer un Etat sain et le contraire nous y sommes en plein dedans. C'est la centralisation à outrance. -Que voudriez-vous voir changer dans le nouveau code communal? Beaucoup de choses. La commune ne peut avoir de tutelle que le peuple et la loi. Un élu ne peut pas avoir comme tutelle un administratif, ça n'a pas de sens. La seule institution devant gérer les différends entre élus et administration c'est le Conseil d'Etat. Là est la responsabilité de l'élu devant la loi. Une délibération n'a pas besoin d'être approuvée. C'est tout juste qu'une copie doit être envoyée à l'administration pour information. A charge à cette administration qui aura à constater une infraction à la loi de remettre la copie au Conseil d'Etat qui annulera la délibération et par conséquent les auteurs de celle-ci, qui sont le maire et son assemblée, répondront à une éventuelle infraction et rembourseront la somme engagée. C'est la loi qui prime et non pas un homme. C'est la loi qui me protège et me condamne.