Ils peuvent bien augmenter de 18% par an (rapport de la Banque d'Algérie sur les tendances monétaires et financières de 2009), les crédits à l'économie resteront pour les entreprises algériennes insuffisants. A tort ou à raison, les chefs d'entreprise nationaux ont toujours accusé les banques de faire preuve de frilosité quand il s'agit de leur prêter de l'argent. Une frilosité contestée par les banquiers mais que certains chiffres tendent pourtant à confirmer. D'un côté, les ressources collectées par les banques ne cessent d'augmenter. Selon le rapport de la Banque d'Algérie sur les tendances monétaires et financières de 2009, les dépôts collectés par les banques auprès des entreprises privées et ménages ont enregistré une expansion de 14,46% par rapport à l'année précédente. La liquidité des banques, tout en reculant en 2009, reste «ample», selon le terme employé par la B.A. Elle est ainsi passée de 2.845 milliards de dinars à fin 2008 à 2.448 milliards de dinars l'année dernière. Certes, les crédits à l'économie ont également augmenté au cours de la même période avec une prédominance des crédits à moyen et long termes (56,5% avec 1.764 milliards de dinars), ce qui dénote que la proportion des ressources réservée au financent des investissements est en progression. Toutefois, le fait que l'Algérie ait le taux d'épargne le plus élevé dans la région maghrébine, entre 50% et 55% du PIB, relativise quelque peu les données relatives à l'évolution du crédit. D'ailleurs, dans son rapport 2009, la BA a écrit que «l'excès de l'offre de fonds prêtables sur le marché monétaire interbancaire reste encore important», ce qui l'a amené à «continuer à absorber l'excès de liquidité» à travers la technique de «reprises de liquidité (1100 milliards de dinars tout au long de l'année 2009)». Le délégué général de l'Association des banques et des établissements financiers (ABEF), M. Abderrahmane Benkhalfa explique qu'il s'agit d'une «fonction de régulation» qui permet à la Banque Centrale d'intervenir «lorsque les ressources sont inférieurs aux besoins en injectant des liquidités où dans le cas actuel lorsque les ressources sont supérieurs aux besoins en épargnant momentanément l'excédent de ressources pour éviter les risques d'inflation». Par rapport à toutes les autres banques de la région «nous gérons la plus importante fonction de cash management (gestion des liquidités) par rapport à une économie de notre taille», explique-t-il. Les ressources existent, mais elles ne sont pas mobilisées. L'on se demande alors ce qui peut expliquer ce paradoxe de l'économie nationale qui fait que des milliards de dinars sont stockés dans les banques, tandis que des besoins aussi importants en financement sont exprimés par ailleurs par les acteurs économiques. Il y a deux ans, l'ancien ministre des Finances, Abdelatif Benachenhou, notait dans l'une de ses conférences un excès d'épargne sur l'investissement parlant d'un «taux d'investissement de 30% et d'un taux d'épargne estimé en 2006 à 55%». Il avait indiqué qu'en Algérie «il y a des possibilités énormes d'investissement», mais «notre industrie bancaire ne fait pas suffisamment bien ce métier» qui consiste à «permettre à l'épargne de se transformer en investissements». Possibilités de placement limitées Pour certains économistes, ce n'est pas tant la disponibilité du financement qui fait défaut, mais davantage la capacité de l'économie nationale à absorber ces liquidités. Dans ce cadre, le niveau du taux d'épargne qui équivaut à près de deux fois son niveau au Maroc ou en Tunisie suscite quelques interrogations.Pour M. Benkhalfa, cette épargne «est consistante. Sur le plan du captage des ressources, leur dépôt n'a jamais reculé dans les banques», qu'il s'agisse de l'épargne des entreprises ou des ménages. Toutefois, c'est dans beaucoup de cas, une épargne «à court terme, que les gens ne bloquent pas qui est donc de courte maturité». Si elle est aussi importante, c'est aussi parce que «les possibilités de placement offertes par le marché financier (actions, obligations, titres de marché) sont insuffisantes et limitées», estime le délégué général de l'ABEF. Actuellement, «l'épargne est canalisée essentiellement par les banques» et c'est d'ailleurs pour cela qu'en Algérie, «les banques sont sollicitées plus qu'ailleurs et leur responsabilité plus grande en matière d'intermédiation qui permet le ramassage de l'épargne et son placement sur un marché sain».Du coup, il y a «un décalage entre les épargnes mobilisées et les capacités d'absorption sous forme de crédit de la sphère réelle», que certains économistes expliquent par les faibles capacités de réalisations des acteurs économiques nationaux. Mais si certains imputent cela à «la frilosité» dans banques, pour le délégué général de l'ABEF, il s'agit d'une réponse «facile à une réalité plus complexe». Le fait est, dit-il, que chaque année les banques octroient 15% de crédits pour les activités économiques réelles dont 90% vont aux entreprises et 10% à l'immobilier. Chaque année également, elles ouvrent entre 75 et 80 nouvelles agences sur leur réseau. «Si demain les conditions d'agrément de nouvelles agences marchent au rythme des capacités physiques, technologiques et humaines des banques, nous arriverons à 120 agences par an. Car l'intermédiation ne dépend pas seulement des ressources collectées mais aussi de la capacité du réseau bancaire, de la bancabilité des entreprises, du niveau de contrôle des opérations de marché qui doit être moins contraignant et aussi du niveau de la pénalisation de l'acte de gestion», a-t-il expliqué. Et de conclure : «Si tout cela est pris en compte, l'immobilier et les entreprises seront les deux segments sur lesquels l'épargne est appelé à s'investir.»