Wahran ! Wahran ! J'ai encore deux places », lance un chauffeur de taxi, en épiant les piétons qui passent à proximité. La station principale des longs trajets, sise en aval du square Port Saïd (ex-Bastion), regorge de véhicules jaunes. La tendance est cette fois-ci inversée. Les voyageurs ne sont pas légion, contrairement aux années précédentes en cette veille de fête de l'Aïd. Plus de taxis que d'usagers, avons-nous constaté, hier, à 13 h. « Les gens ont commencé à partir il y a une semaine. Le gros de la masse a donc quitté Alger pour être chez soi au moins deux jours avant l'Aïd. Reste quelques “retardataires” que nous devons prendre en charge », nous dit le chauffeur de taxi, satisfait d'avoir comblé « ses » deux places vides. Confortablement installés à bord d'un Hyundai Trajet, 5 hommes et 1 femme s'apprêtent à affronter les 400 km qui relient la capitale à Oran. « Je roulerai modérément. Je ne dépasserai pas les 80 km/'heure, quitte à gagner Oran à minuit », est l'avertissement du « taxieur » à l'adresse de ses clients. Pas de réaction, sauf celle d'un homme d'une trentaine d'années qui affiche tout de go son refus. « Avec une vitesse pareille, je crains qu'on mettra une éternité pour arriver à Oran. Non merci, j'irai voir un autre », grogne-t-il en quittant précipitamment le véhicule. Une minute plus tard, il reviendra à de meilleurs sentiments, rejoignant avec un sourire ses compagnons de route. « Après tout, koul aâtla fiha khir », balbutie-t-il. Les accidents de la route sont en train de prendre des proportions alarmantes, générant quotidiennement des décès. « Durant ce Ramadhan, il ne se passe pas un jour sans que je croise un accident mortel. Les gens sont pressés juste pour pouvoir être à l'heure du f'tour. C'est un raisonnement illogique. Où est le mal si au moment de l'adhan du maghrib je ne suis pas encore chez moi ? Je n'ai qu'à m'arrêter quelque part pour casser la croûte et consommer un café avant de reprendre la route », soutient le conducteur du Trajet. Un chauffeur de taxi de Mascara s'apprête lui aussi à prendre le départ. La Peugeot 504 familiale, âgée de 21 ans, parait en bon état. « Je ne l'échangerai pas pour n'importe quelle marque, surtout les asiatiques. La Peugeot est une routière, tu peux compter dessus », ajoute, fièrement, notre ami mascaréen qui a programmé son départ à 14h. A-t-il l'intention d'appuyer sur le champignon ? « Douga douga khouya. Voyez-vous ces gens ? (ndlr : ses clients, déjà installés à bord) Personne parmi eux n'est pressé. Ils ont l'intention de passer la fête avec leurs familles. Ils ne soucient guère s'ils doivent casser le jeûne à Chlef ou à Relizane. »