Le regard absent, la mine défaite, les voyageurs, déversés par centaines à la station de taxis interwilayas du Caroubier ne sont pas au bout de leur peine. Arrivés à cette station aménagée à la hâte à Brossette, ils ne trouvent aucune commodité : tout juste quelques abribus déglingués, déjà occupés par des voyageurs ou même, c'est le souvent le cas, par des malades mentaux. « A la station de taxis de la rampe Magenta d'Alger-Centre, il suffisait, en descendant du taxi, de remonter les escaliers de la gare pour se retrouver à l'abri au square (Port Saïd, Ndlr). Maintenant, c'est le calvaire permanent dans un espace dégagé. Le voyageur est souvent obligé de rallier à pied la gare du Caroubier et de là prendre un bus bondé », halète, les mains encombrées de sachets, Amina qui arrive de Tizi Ouzou, accompagnée de ses deux enfants qui ne tiennent plus debout à cause de la fatigue. Réalisé il y a quelques années, l'endroit s'est dégradé : les quelque 400 taxis s'arrangent comme ils peuvent. « Les voyageurs se bousculent dans les quelques sanitaires et la seule buvette ouverte. L'endroit est livré aux quatre vents. La chaleur caniculaire n'arrange pas les choses. L'atmosphère est insupportable été comme hiver », se désole Ramdane, un habitué des lieux. « Arrivé de Sétif, je dois, assure-t-il, prendre un taxi pour Oran, mais l'attente s'avère longue si les chauffeurs de taxi ne remplissent pas leur tacot. » Les difficultés sont plus grandes pour les destinations de l'extrême est et ouest du pays. La station, assurent les syndicalistes des taxieurs, accueille quelque 30 destinations). « Je suis venu de Tébessa, le trajet a été un calvaire. Le chauffeur, un fou furieux, a failli provoquer un accident. Je suis arrivé à minuit passé. C'est seulement grâce à la baraka que je suis arrivé sain et sauf chez un ami à la cité Amirouche », assure Khaled, qui trouve que l'unique poste de police ne « sécurise pas assez » cet endroit géré par l'Etablissement de gestion de la circulation et de transport urbain (EGCTU). Même avis excédé des syndicalistes qui souffrent de problèmes restés, s'indignent-ils, en suspens. « Le directeur des transports s'est engagé à prendre langue avec nous, mais seulement à la rentrée », relève M. Boukerrou, responsable à l'Union nationale des chauffeurs de taxi (UNACT). « La station devient, la nuit tombée, un lieu de débauche et un endroit où se retrouvent les aliénés. Un malade mental a même aménagé une soupente démantelée il y seulement deux jours, après notre intervention », regrette le syndicaliste qui affirme que la sécurité doit être renforcée, et les rondes doivent être plus fréquentes. « Les voyageurs venant de l'Est ou de l'Ouest souffrent plus, surtout s'ils doivent prendre une correspondance. Il y en a qui arrivent à minuit ou une heure du matin. Ce sont les chauffeurs qui les laissent dormir dans leurs véhicules. Auparavant, les voyageurs descendent dans les hôtels du square. A Hussein Dey, on ne trouve pas d'hôtels ouverts à ces heures de la nuit. Qui osera, si cela est permis, de s'aventurer dans cette partie de la ville ? », s'interroge notre interlocuteur. Les syndicalistes affirment avoir proposé des solutions : « La station doit être reprise de nouveau ; on a proposé l'ouverture de l'autre station, mais l'espace devant l'accueillir se trouve en litige avec Naftal. Les solutions sont possibles. A Sidi Bel Abbès, un investisseur privé a eu l'ingénieuse idée d'ouvrir un dortoir et des douches pour accueillir les voyageurs de la station », fait remarquer le syndicaliste, qui trouve que ni les chauffeurs de taxi ni les voyageurs ne trouvent leur compte dans cette station qui n'en est plus une.