Il semble de plus en plus difficile de s'exprimer clairement sur le référendum d'autodétermination des populations du Sud-Soudan, prévu le 9 janvier prochain. Depuis son annonce dans le cadre des accords de paix de 2005, ayant mis fin à vingt-deux années de guerre civile, la question ne se posait même pas, tant l'option de l'indépendance semblait évidente. Ce qui paraît cette fois nettement improbable, non pas en raison d'un quelconque changement dans la position de ceux qui sont appelés à s'exprimer, mais de nouveaux éléments qui en retarderaient au moins l'échéance, sinon entraver le processus. Jamais un vote de ce genre n'a fait autant d'attention de ce qu'il est convenu d'appeler la communauté internationale, certains pays n'hésitant pas à faire pression sur le gouvernement soudanais pour qu'il respecte son engagement. Voilà donc ce qui est la trame de fond depuis quelques semaines, avec des déclarations belliqueuses, de tensions à propos d'une zone pétrolifère contestée, craintes de la communauté internationale. Le président soudanais, Omar el-Béchir, a prévenu, cette semaine, devant l'Assemblée nationale qu'il n'accepterait pas d' «alternative à l'unité» du Soudan, un pays qui vit une partition de fait, générée par la guerre civile qui a provoqué des millions de morts, mais aussi de profondes fractures entre le Nord et le Sud. Il avait pourtant affirmé, auparavant, qu'il s'engageait à respecter le choix des Sud-Soudanais, même s'ils préféraient la sécession à l'unité, si ,et seulement si, le référendum était « libre » et « juste». «Le discours du président ne doit pas être compris comme une menace. Il a présenté aux Sudistes des incitatifs afin de les convaincre d'opter pour l'unité », a dit Rabie Abdulatti, un haut responsable du Parti du congrès national (NCP, au pouvoir). M. Béchir a proposé un partage avantageux du pouvoir et des ressources aux Sudistes, a-t-il ajouté précisant que le pouvoir à Khartoum était engagé dans la poursuite d'un référendum «libre, sans fraude et sans intervention extérieure ». Bien entendu, certains mettent en garde contre un tel scénario, disant craindre le chaos somalien. Le président américain Barack Obama, dont le pays joue un rôle crucial dans les négociations Nord-Sud, a mis en garde contre le risque de « millions de morts » en cas de retour à la guerre civile Nord-Sud. Malgré des déclarations parfois belliqueuses, les responsables du NCP et les ex-rebelles sudistes du Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM) poursuivent leurs discussions sur le partage du pétrole, la frontière et la citoyenneté. Le Soudan produit actuellement 500 000 barils de brut par jour, dont les trois quarts proviennent de champs pétrolifères au Sud-Soudan ou dans des zones contestées à la lisière Nord-Sud. Le Sud-Soudan, vaste région enclavée au coeur du continent africain, ne dispose toutefois pas de pipeline et doit utiliser les oléoducs traversant le Nord-Soudan afin d'exporter son pétrole, ce qui force les deux parties à collaborer. «Un accord dépend de la part qui sera attribuée au Nord des ressources pétrolières du Sud et de la méthode choisie pour calculer cette part», selon une récente étude de l'Institut allemand pour les affaires internationales et sécuritaires. Celle-ci fait néanmoins état de «divergences importantes» entre les deux camps sur le partage pétrolier qui pourrait, à terme, mener à un nouveau conflit. Autre pomme de discorde : la région pétrolière contestée d'Abyei. Le parti présidentiel a affirmé l'impossibilité de tenir à la date prévue, le 9 janvier, un second référendum sur le statut de cette région, située à la lisière du nord et du sud du Soudan, ce qui a provoqué la colère des Sudistes. «Tout délai est inacceptable. Cette annonce pourrait affecter l'ensemble du processus de paix», a prévenu Pagan Amum, secrétaire général du SPLM. La guerre avait commencé bien avant la découverte du pétrole. Nul doute que cette nouvelle richesse va attiser les convoitises de toutes sortes qui susciteront et alimenteront les ingérences que le Soudan déclare craindre. Il faudra un jour recenser et rapporter les méfaits de ce genre que la guerre peut causer.