Notre confrère de la presse arabophone, El Khabar, fête ses vingt ans. Lancé le 1er novembre 1990, une date symbole, le quotidien devient rapidement un espace de libre débat, ouvrant ses colonnes à toutes les sensibilités politiques et sociales. Au début de la décennie 1990, s'ouvre une nouvelle page dans l'histoire du pays. Après les années de plomb, le pluralisme politique et médiatique est enfin instauré. L'impossible réforme de la presse publique et ce malgré l'ouverture politique a poussé des journalistes à quitter les organes gouvernementaux et de se lancer dans une nouvelle aventure médiatique pour accompagner la démocratisation de l'Etat et de la société. Le groupe de journalistes au nombre de 26, issu essentiellement de Ech Chaâb et d'El Massa, qui avait lancé El Khabar était conscient de sa tâche historique. Dès le départ, le journaliste affiche sa couleur. Dans l'éditorial du premier numéro, El Khabar écrit : «Nous nous attachons à notre indépendance. Et l'indépendance pour nous ne signifie pas l'absence d'une pensée politique, mais elle veut dire que nous ne nous plions pas devant une quelconque pression politique et financière.» Un choix difficile à assumer, d'autant que l'équipe rédactionnelle n'avait pas suffisamment d'expérience. Mais, les Kamal Djouzi, Athmane Snadjki, Abdelaziz Ghermoul, Omar Kahoul, Abdelhakim Belbati, Ali Djerri, Abed Charef, Mahieddine Amer, Omar Ourtilane, Chérif Rezki et toute l'équipe avaient cette envie d'incarner le rêve d'une Algérie libre et démocratique. La parenthèse démocratique a été vite fermée, le pays est pris dans une spirale de violences, après l'arrêt du processus électoral de 1991. Le rêve d'une nouvelle Algérie se brise. Pris entre deux feux, d'un côté celui des groupes islamistes armés font des journalistes leur cible, et d'un autre le pouvoir n'hésitant pas à mobiliser les moyens de l'Etat pour traîner les journalistes devant les tribunaux. Ces derniers n'ont pas cédé devant la terreur islamiste et la menace permanente d'un pouvoir très hostile à la parole libre. Tout juste cinq ans après sa création, El Khabar perd un de ses piliers. Son talentueux rédacteur en chef Omar Ourtilane est fauché par des balles assassines près de son domicile à Belouizdad, quartier populaire d'Alger, le 3 octobre 1995. Au fil des ans, le quotidien s'est imposé dans l'échiquier médiatique. Il devient un journal de référence dans le monde arabe. Vingt ans après, la publication a su consolider son indépendance éditoriale en s'assurant une indépendance financière. Il a gagné beaucoup en crédibilité auprès de son lectorat, mais également chez ses adversaires… politiques. Il a fait «du crédit et de la crédibilité» son leitmotiv. «Nous sommes un journal qui n'obéit pas au principe de la gravité. Nous ne nous rapprochons pas du pouvoir, mais nous ne nous en éloignons pas non plus», a déclaré le directeur de la publication du journal, Cherif Rezki, dans son édition d'hier. Même le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, lui reconnaît cette qualité. Dans une lettre qu'il a adressée au collectif d'El Khabar en sa qualité de chef du RND, il fait les louanges du journal. «Vous avez contribué à garantir le droit du citoyen à l'information et vous avez ajouté ainsi une valeur à la démocratie, à la liberté et au pluralisme dans le pays.» Ahmed Ouyahia dit tout le bien qu'il pense du journal. El Khabar a accueilli en son sein des jeunes journalistes conscients, traitant avec crédit les préoccupations de la nation et ses aspirations. Le journal s'est comporté avec responsabilité dans de nombreuses questions nationales au point de forcer le respect même de ceux qui ne partageaient pas ses orientations. «Un journal comme El Khabar est une des fenêtres médiatiques dont nous sommes fiers», a écrit M. Ouyahia dans sa lettre.