La déclaration de politique générale du Premier ministre, Ahmed Ouyahia, continue de susciter les réactions des organisations patronales. Hier, c'était au tour du Forum des chefs d'entreprises (FCE) d'exprimer son scepticisme : «Ce n'est pas encore gagné dans le domaine du foncier et le financement de l'économie nationale (...) Autant nous sommes satisfaits de la définition des politiques économiques, autant il n'y a pas suffisamment de résultats sur le terrain», a estimé Réda Hamiani, président du FCE, lors de son passage, hier, sur les ondes de la Chaîne III de la Radio nationale. Ce dernier a remis sur le tapis líinextricable problématique de l'accès au foncier et du financement par les banques algériennes. «Il y a des crédits qu'on n'arrive pas à obtenir. Les banques restent frileuses pour le financement ; les locaux sont hors de prix, s'ils sont disponibles, et l'ambition des chefs d'entreprises s'écrase sur l'ensemble du climat des affaires. Il y a une difficulté intrinsèque à s'insérer dans cette logique d'entrepreneuriat», a-t-il déploré, accusant l'administration qui entretient une bureaucratie handicapante : «Nous avons une persistance du comportement de notre administration et de l'absence de mobilisation des institutions en charge du développement de l'entreprise.» Evoquant toute la difficulté de créer une entreprise en Algérie, il a noté que les diplômés des universités algériennes ne sont pas emballés par cette démarche : «Sur un échantillon de 100 diplômés, 5 arrivent à trouver de l'emploi, 5 autres quittent l'Algérie, et la grande majorité tourne en rond pour trouver un emploi décent.» Des conditions, ajoute M. Hamiani, qui persistent à empêcher le redéploiement du secteur privé. Un secteur qui contribue à hauteur de 80% dans la création de richesses nationales. Désindustrialisation Le président du FCE est revenu sur «la désindustrialisation» qui frappe de plein fouet les secteurs public et le privé. «Il y a eu une descente aux enfers progressive qui a accompagné l'ensemble du secteur public et privé», a-t-il constaté. Du coup, estime-t-il, «l'Algérie a perdu des parts de marchés par rapport à une production étrangère importée». Contrairement à l'Algérie, la Tunisie et le Maroc disposent d'un solide secteur industriel qui contribue entre 14 et 18% dans le PIB, souligne-t-il. Le gouvernement algérien prévoit de porter de 5 à 10% l'apport du secteur industriel dans le PIB à l'horizon 2014. Par ailleurs, l'invité de la radio a salué le patriotisme économique opéré par le gouvernement Ouyahia depuis 2009. «Il fallait réagir face à l'emprise du marché informel, à la désindustrialisation, à la mort lente du secteur public et au transfert à peine voilés des capitaux détenus par des sociétés capitaux étrangers», a-t-il énuméré, non sans rappeler que l'ouverture «commerciale» de l'économie nationale «a été organisée de façon très brouillonne, soudaine et brutale». Dans le même ordre d'idées, M. Hamiani a estimé que la période qui s'étalait entre l'entame du processus d'adhésion à l'OMC et la mise en place de la Zone arabe de libre-échange (ZALE) «a été fatale aux entreprises» car «tous les marchés ont été inondés par des productions importées». Les décisions prises par le gouvernement, notamment «l'arrêt» du processus de négociations pour l'adhésion à l'OMC et la création d une liste de produits interdits d'importation dans le cadre de la ZALE, devraient, selon lui, «permettre aux entreprises de reconquérir leurs parts de marchés». «On attend les résultats de la politique gouvernementale», indique-t-il encore. Sur un autre sujet, malgré les aménagements apportés concernant le crédit documentaire, le président du FCE reste sur sa faim : «Il est prévu un montant de 2 millions de dinars par an pour satisfaire les besoins en matières premières. C'est insuffisant d'autant que cette mesure ne tient compte ni de la taille de l'entreprise, ni de ses effectifs, ni de son domaine d'activité», proteste-t-il, estimant qu'il serait nécessaire de «moduler» cette facilitation en prenant en considération tous ces aspects. En outre, beaucoup d'entreprises qualifient, selon ses propos, de «trop bas» le montant de 2 millions de dinars comme un seuil limite pour l'importation des inputs. Ceci dit, M. Hamiani a noté qu'il était «anormal» de mettre dans le même sac les importateurs de produits pour la revente en l'état et les chefs d'entreprises. Invité à réagir au phénomène de la corruption, le patron du FCE a mis l'accent sur la nécessité de prendre «des mesures législatives pour pallier les carences, mais surtout asseoir une volonté pratique pour traquer la corruption».