- Six mois après l'entrée en vigueur du nouveau code de procédure civile et administrative, pourquoi les avocats montent-ils aujourd'hui au créneau pour dénoncer la dégradation des conditions d'exercice de leur profession ? D'un côté, il y a le code de procédure civile et administrative et les justiciables qui sont les citoyens et, de l'autre, le rôle de l'avocat. L'un des principes universels des droits de l'homme consiste à faciliter l'accès à la justice pour tout le monde. Mais cette loi a éloigné la justice du citoyen et cela, en contradiction avec la Déclaration universelle des droits de l'homme et la Constitution algérienne. Il est aujourd'hui très coûteux pour les citoyens d'aller en justice. Auparavant, il n'y avait que les procédures au niveau des tribunaux et des cours ; maintenant le citoyen doit faire des notifications même pour les requêtes et les procédures au niveau de la Cour suprême. Et cela est très coûteux, notamment dans une affaire où il y a beaucoup d'intervenants. Il y a aussi cette exigence de la traduction en langue arabe de tous les documents. Cette mesure est absurde. Il est scandaleux de demander à un citoyen algérien de traduire des documents délivrés par une administration algérienne. C'est très coûteux et dans des endroits où il n'y a pas de traducteur assermenté, la tâche devient plus compliquée. Troisièmement, à la faveur de cette nouvelle loi, le justiciable ne peut pas faire appel d'une affaire administrative, civile ou commerciale sans l'aide d'un avocat. Tout cela éloigne les citoyens de la justice, et beaucoup d'entre eux ne défendent pas leurs droits car ils n'ont pas les moyens de les réclamer devant les tribunaux. Cette loi a marginalisé également l'avocat et son rôle. Le droit à la défense est sacré. L'actuelle loi stipule qu'un avocat ne peut pas retirer un dossier versé sans une procuration spéciale de son client. Même chose pour les jugements. Cela donne l'impression que la justice ne fait plus confiance à l'avocat. Cette loi viole le droit à la défense et le droit d'accès à la justice pour les citoyens, qui est en contradiction avec la loi sur la profession d'avocat qui donne le droit à l'avocat de représenter son client dans toutes les affaires. - Pourquoi l'Ordre des avocats ne réagit-il pas pour dénoncer toutes ces entraves à l'exercice de la profession ? Je pense qu'il y a eu une réaction. Les bâtonniers se sont réunis après la promulgation de cette loi et son entrée en vigueur, et ils ont saisi la chancellerie pour protester contre la marginalisation du rôle des avocats, l'atteinte au droit à la défense et la violation du droit d'accès à la justice pour les citoyens. Malheureusement, leur protestation n'a pas eu d'effet et la loi n'a pas été amendée. Je pense que le souci de ceux qui ont préparé cette loi n'est pas d'alléger la tâche des citoyens, mais de faciliter le travail des magistrats. Les barreaux doivent se réunir et entreprendre des démarches pour exiger l'amendement de ce texte. - Les protestations des professionnels portent aussi sur la formation des avocats, jugée insuffisante… C'est parce que les magistrats ont une formation (licence plus trois années de formation) plus importante par rapport à celle des avocats (CAPA d'une durée de 9 mois). Ce temps limité n'est pas suffisant pour donner une formation convenable aux futurs avocats. Pour que les avocats puissent représenter dignement les citoyens, je pense qu'on doit les former davantage.