Une troisième liste de médicaments interdits à l'importation vient d'être arrêtée par le ministère de la Santé. Mais certains pharmaciens, médecins et même producteurs de médicaments se demandent pourquoi ils n'ont pas été associés à cette nouvelle mesure, adoptée, selon eux, dans la précipitation et la confusion. La troisième liste des médicaments interdits à l'importation – après celles de 2008 et de 2009 – devrait, selon une source du ministère de la Santé, entrer en vigueur à partir de l'année prochaine. Elle comprend 111 nouveaux médicaments, dont l'insuline humaine Isophane et l'insuline biogénétique rapide. Les deux dernières années, le gouvernement algérien a procédé à l'interdiction de l'importation de produits pharmaceutiques fabriqués en Algérie, afin de baisser le taux d'importation et de propulser la production nationale des médicaments, conformément à l'arrêté ministériel portant «interdiction d'importation de produits pharmaceutiques et dispositifs médicaux destinés à la médecine humaine, lorsqu'ils sont fabriqués localement». Ainsi, l'interdiction d'importation des produits pharmaceutiques et dispositifs médicaux destinés à la médecine humaine et fabriqués en Algérie s'allongera, avec la nouvelle liste, à plus de 1300 médicaments. Officiellement, le ministère avance que cette liste doit, avant d'entrer en vigueur, faire l'objet d'une «étude» du comité de concertation. Or, ledit comité composé des représentants de l'Union nationale des opérateurs de la pharmacie (Unop), du Syndicat algérien de l'industrie pharmaceutique (Saip), du groupe Saidal, du Laboratoire du contrôle des produits pharmaceutiques (LNCPP) ainsi que ceux de la Pharmacie centrale des hôpitaux «a été invité à discuter d'une liste définitive établie sans même faire l'objet d'une étude de marché tenant compte des critères objectifs. D'ailleurs, cette liste a été annoncée suite aux demandes incessantes des producteurs locaux, mais sans les citer», nous confie une source proche du dossier, sous le couvert de l'anonymat. Autre problème, de fond celui-ci : les professionnels du médicament avancent que derrière «les listes tombées à la hâte, sans aucune concertation au préalable, obéissent à des pressions exercées d'en haut. Car produire des médicaments dans le pays est une chose et répondre à la demande qualitativement et quantitativement en est une autre. Leur seul souci est de monopoliser le marché du médicament sans se soucier des conséquences, dont la pénurie». Contacté pendant plus d'une semaine, le ministère de la Santé a catégoriquement refusé de s'exprimer au sujet de la nouvelle liste. Pire, devant nos inlassables sollicitations, Selim Belkessam, chargé de communication au ministère, a renvoyé nos appels vers un standard pour le moins méprisant. Le mutisme entretenu autour de cette décision ministérielle inquiète de plus en plus les pharmaciens et les médecins, les premiers à prendre part à la détresse des patients face à la pénurie et l'inefficacité de certains médicaments fabriqués en Algérie. «Le fait d'interdire l'importation n'encourage en aucun cas la production locale. Au contraire, les diabétiques vont se diriger vers les insulines analogues plus modernes qui continuent d'être importées et qui représentent 97% des parts de marché avant cette interdiction. Ce qui laisse penser que leur importation va augmenter», analyse notre source. De son côté, le secrétaire général de l'Union de nationale des opérateurs de la pharmacie (Unop) n'a pas manqué de réagir à cette question : «Nous avons informé le ministère de la Santé qu'en l'absence de texte, et vu les délais courts (un mois), il relevait de sa responsabilité de s'assurer de la disponibilité du produit interdit, sachant qu'en l'absence de trois fabricants, il était nécessaire de s'assurer de la présence de stocks suffisants avant l'interdiction. Nous avons également demandé que les textes d'encadrement soient mis en place avant mars 2011, afin que la prochaine liste de l'année 2012 puisse être définie en juin 2011.» Il convient de signaler que la facture d'importation des médicaments a atteint en 2009 près deux milliards de dollars. Quant à la facture globale des produits pharmaceutiques, elle a atteint, la même année, 1670,10 millions d'euros.