Il est privé de soins alors qu'il est diabétique et hypertendu, isolé et coupé du monde, interdit de courrier, de journaux, menotté en permanence dans une cellule de 2 m2, Mohamed Gharbi n'a pourtant rien d'un forcené, ni n'a l'étoffe de l'ennemi public n° 1. A 73 ans, dont dix passés déjà en prison, l'ancien officier de l'ALN, chef des GLD de Souk Ahras (en 1994), ne fait pas figure de privilégié dans le quartier des condamnés à mort de la prison de Babar (Khenchela). «Un tel traitement est indigne d'un moudjahid. Inhumain», s'exclamait hier Si Mohamed Baghdadi de la Coordination pour la libération de Mohamed Gharbi (CLMG). La condamnation à la peine de «mort lente» n'est, ajoute-t-il, qu'une autre forme de «torture». Une grève de la faim «symbolique» a été observée hier au niveau de la Maison de la presse par une vingtaine de membres de cette coordination. Les animateurs de cette coordination, dans laquelle se retrouvent des militants du mouvement associatif, de partis politiques (MDS, RCD, ANR), des syndicalistes du Port d'Alger, des Douanes, disent vouloir maintenir la «pression» sur les pouvoirs publics, chasser l'indifférence générale, rompre l'isolement de celui qui fut une des figures de la «résistance» au péril intégriste. Les traitements «injustes» infligés par l'administration pénitentiaire à Mohamed Gharbi s'inscrivent, d'après un porte-parole de la CLMG, dans la droite ligne de l'instruction (ou l'instrumentalisation) de cette affaire par les pouvoirs politique et judiciaire. «Cet homme n'a jamais été écouté, dit-il. Il n'avait pas bénéficié de la protection de l'Etat, alors qu'il avait été menacé par un émir, ensuite le pouvoir lui organise un procès inique dans lequel ne fut retenue aucune circonstance atténuante, et aujourd'hui, on le met en isolement et on l'empêche même de prendre ses médicaments ou de lire les journaux.» Condamné à mort – peine confirmée le 22 juillet dernier par la Cour suprême – pour avoir tué Ali Merad, un émir de l'AIS amnistié, Mohamed Gharbi a été, selon ses partisans, «jugé et condamné pour l'exemple», «sacrifié sur l'autel de la réconciliation nationale». Pour Yacine Teguia, membre de la direction du Mouvement démocratique et social (MDS) et animateur de la coordination, Gharbi fait office du «sceau avec lequel a été scellé le pacte entre les islamistes et certaines forces au pouvoir favorables à la charte pour la réconciliation nationale». Teguia regrette par ailleurs que les formations politiques se revendiquant de la mouvance républicaine, «ceux qui se disent dépositaires du combat patriotique», n'aient jamais pris position dans cette affaire. Manquant cruellement de visibilité, la cause de Mohamed Gharbi peine à mobiliser l'opinion et suscite surtout de l'embarras, de la gêne au sein même de la famille recomposée des «éradicateurs». Selon Baghdadi, il aurait fallu plus de dix jours à un des fils de Mohamed Gharbi pour rencontrer à Alger le secrétaire général de l'Organisation nationale des moudjahidine (ONM). «Il a été reçu durant 5 minutes au cours desquelles Saïd Abadou (SG de l'ONM) lui promet d'étudier le cas Gharbi. Depuis, c'est le silence radio.» La CLMG déplore en sus l'absence de répondant au niveau du gouvernement. Les actions de solidarité et de soutien à l'ancien officier de l'ALN (distribution de tracts, galas de solidarité, pétitions et appels à la grâce présidentielle) n'ont pas eu l'effet escompté, ni drainé les foules. Une campagne de distribution d'autocollants à l'effigie du détenu de Babar est programmée pour les prochains jours. La coordination lance également un appel pour la constitution de comités locaux de soutien et de solidarité à Mohamed Gharbi.