Tante Kheira, comme aiment à l'appeler ses voisins et ses connaissances, s'est éteinte vendredi à l'âge de 62 ans au CHU de Blida des suites d'un pic de tension. Cette dame au dynamisme débordant et au sourire quasi présent était surtout connue par la technique ancestrale de la distillation de l'eau de rose, la préparation des sirops contre la toux et des pommades pour application épidermiques à base de plantes médicinales provenant des hauteurs de Blida ainsi que l'organisation de «qaâdate» à la blidéenne. Un vocabulaire vernaculaire et un savoir-faire spécifiquement de la région dont elle détenait les secrets de la dose, du tact, du doigté et de la manipulation. Une foule nombreuse a assisté à l'enterrement d'une femme philanthrope et joyeuse. L'on a remarqué toutefois l'absence des officiels lors de son enterrement. Pourtant, ce sont ces derniers qui lui ont promis, à maintes reprises, de l'aide et surtout un logement décent car sa vieille demeure, située au quartier Bab El Khouikha, était à moitié effondrée. «C'est une grande perte pour notre ville», regrette Amouri Tahar, élu à l'APC de Blida. N'ayant pas eu d'enfants après des années de mariage, tante Kheira a aimé tous les enfants de son quartier. Quand l'occasion se présentait, elle n'hésitait guère ni devant l'effort ni devant les moyens pour dessiner sur les visages innocents des chérubins les traits de la joie et de la gaieté. Elle participait à la célébration de tous les événements traditionnels de notoriété familiale dans la ville des Roses, comme elle avait pris part à une douzaine d'expositions, à travers le pays et a même obtenu des félicitations, des diplômes, mais surtout des encouragements à coups de paroles épatantes. El Watan a toujours fait connaître son savoir-faire à ses nombreux lecteurs, qu'ils soient d'ici ou d'ailleurs. Même les chaînes satellitaires arabes, à l'instar d'El Jazeera et d'El Arabia lui ont rendu hommage à travers des portraits. Sa dernière parution à la TV était à l'occasion d'une veillée ramadhanesque organisée par ses soins. A l'occasion d'un mariage, à l'avènement du Ramadhan ou d'une opération de circoncision et tant d'autres manifestations, tante Kheira a toujours été présente dans le détail et dans le fond de la mémoire populaire locale pour pérenniser parmi la jeune génération les rites de la tradition. Aujourd'hui, tante Kheira est partie à jamais, et avec elle, toute une encyclopédie de savoir-faire traditionnel qui va s'estomper sous les décombres de l'oubli si rien n'est fait pour préserver notre patrimoine.