Ainsi, en publiant plus de 250 000 notes diplomatiques confidentielles de l'Administration américaine sur des sujets sensibles, le site WikiLeaks a donné la migraine à de nombreux gouvernements et chancelleries. Les révélations et les propos peu amènes – parfois vexants – contenus dans les mémos et câbles diplomatiques US confidentiels mettent les ambassades américaines et les Etats dans l'embarras. Les divulgations des confidences américaines peuvent-elles mener à une crise diplomatique mondiale ? Si la majorité des dirigeants de ce monde, égratignés dans cette affaire, a choisi de soutenir Washington et de ne pas prendre ombrage des appréciations des diplomates américains, le malaise est perceptible. La secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, avait essayé, avant même la publication des dépêches de WikiLeaks, de limiter les dégâts en contactant les dirigeants français, afghans, émiratis, britanniques et chinois pour les prévenir du contenu possible des câbles diplomatiques dont le site internet est en possession. La Maison-Blanche a condamné, hier, dans les termes les plus forts, la publication «irresponsable et dangereuse» des documents diplomatiques américains, affirmant que l'initiative du site WikiLeaks pourrait faire courir des risques mortels à des individus. «Que ce soit clair, de telles révélations font courir des risques à nos diplomates, aux membres de la communauté du renseignement et aux gens du monde entier qui font appel aux Etats-Unis pour les aider à promouvoir la démocratie et un gouvernement transparent», a déclaré Hillary Clinton. Berlusconi en rit Bien que gênés, les partenaires de Washington ont repris confiance en la position défendue par la Maison-Blanche. Londres a condamné «toute publication non autorisée d'informations classifiées», pouvant «mettre à mal la sécurité nationale», tandis que le ministre italien de la Défense, Ignazio La Russa, a qualifié hier les documents de «piètres ragots». Le chef du gouvernement italien a éclaté de rire à propos du contenu des fuites WikiLeaks divulguées dimanche, évoquant «des fêtes sauvages de Berlusconi», a indiqué l'agence Ansa. L'Allemagne a jugé que ses relations avec les Etats-Unis «ne devraient pas être endommagées sérieusement», en dépit des propos acerbes tenus à l'encontre de la chancelière Angela Merkel par l'ambassadeur américain à Berlin. De même que l'Afghanistan a préféré – du moins officiellement – ne pas faire grand cas des documents décrivant le président Hamid Karzaï comme «faible» et son frère Ahmed Wali comme un baron de la drogue corrompu. La France s'est refusée à confirmer «aucun des propos attribués à des autorités et des diplomates français» et a déploré la divulgation «délibérée et irresponsable» de documents «susceptible de nuire à la résolution de questions essentielles». Si l'ONU n'a pas voulu commenter directement la collecte d'informations par les diplomates américains sur ses fonctionnaires, le chef de la diplomatie belge, Steven Vanackere, a critiqué une «confusion entre le travail diplomatique et l'espionnage». La Russie – qualifiée d'«Etat mafieux virtuel» – éprouve du «regret» après ces fuites, mais n'en fait pas une «tragédie».
Les Arabes silencieux Plus pénible, les câbles américains décrivent un roi Abdallah impatient d'engager une action militaire contre Téhéran afin de «couper la tête du serpent». Le «double langage» des dirigeants arabes, révélé par le WikiLeaks, pourrait ainsi accentuer les tensions. Aucun des chefs arabes n'a souhaité s'exprimer officiellement sur le sujet. «Tout cela est très négatif. Ce n'est pas bon pour bâtir la confiance», a réagi un conseiller gouvernemental saoudien sous couvert de l'anonymat. En Irak, on estime que la publication par le site WikiLeaks de documents confidentiels américains sur la guerre en Irak n'aide vraiment pas les Irakiens en quête de la formation d'un gouvernement d'union nationale. Curieusement, Israël n'a pas été trop égratigné par les dossiers confidentiels de WikiLeaks. Un haut responsable israélien estime que l'Etat hébreu «s'en tire à bon compte». Un ancien chef du conseil de la Défense nationale, le général de réserve Giora Eiland, est même allé jusqu'à juger les révélations de WikiLeaks comme bénéfiques pour Israël. «Il n'y a rien d'embarrassant dans ces révélations, rien qui ne porte atteinte à notre sécurité, et dans un sens, tout au contraire», a-t-il assuré à la radio publique. Il est à rappeler à ce propos que les Américains reprochaient à leurs interlocuteurs israéliens d'être responsables de fuites dans la presse.