La fabuleuse histoire de ce tout petit pays arabe qui donne la leçon aux autres n'en finit pas de s'écrire en lettres d'or. Arracher l'organisation de la Coupe du monde 2022 aux grandes nations développées, il fallait le faire… Après la chaîne Al Jazeera, Qatar Airways, l'académie Aspair, la clinique Aspitar, le circuit Doha de Formule 1, le tournoi ATP de tennis et la Coupe du monde de foot, le Qatar a fait le grand chelem.Qui l'eût cru ? Qatar. Ces deux petites syllabes ont ébranlé ce week-end l'ogre américain. Ce minuscule émirat d'à peine 11 427 km2 et habité par seulement 1,7 million de personnes – soit un peu plus que la population de Tizi Ouzou – a enlevé haut la main l'organisation de la très convoitée Coupe du monde de football 2022. Un succès retentissant avec un score écrasant de 14 voix contre 8 pour les Etats-Unis. Ironie du sort et du sport, ce petit émirat a gagné cet immense privilège contre un mastodonte de près de 10 millions de kilomètres carrés et peuplé de plus de 300 millions d'habitants ! Cela rend son exploit autrement plus méritoire grâce à un lobbying décisif auprès des décideurs de la FIFA. Ils étaient peu nombreux, ceux qui donnaient cher la peau du Qatar qui, pour être une puissance pétrolière et gazière, n'en est pas moins un pays microscopique pour prétendre à une distinction aussi mirifique. C'est, incontestablement, un coup de tonnerre dans un ciel moyen-oriental pas du tout serein. Le Qatar aura montré la voie du succès à certains pays arabes, comme l'Egypte et l'Arabie Saoudite, qui se gargarisent encore de «qaoumia» à l'heure de facebook et de WikiLeaks. Son émir, cheikh Hamad Ben Khalifa Al Thani, a su sortir son petit pays du cercle fermé du panarabisme chauvin aux accents sclérosants pour le mettre sur la voie de la modernité et de l'excellence.Le choix du Qatar pour organiser la messe mondiale du football est aussi une preuve que tous les pays arabes ne sont pas hors-jeu, au sens culturel du terme. N'eut été la taille de cet émirat, personne n'aurait douté de ses capacités financières et managériales à organiser une Coupe du monde. Pour le Qatar, ce Mondial 2022 vient confirmer que la coupe de la mise à niveau de ce pays est vraiment pleine. Qatar, c'est en effet le prestige mondial du groupe de télévision Al Jazeera avec toutes ses déclinaisons thématiques ; c'est la prise de la hauteur avec sa compagnie aérienne Qatar Airways ; c'est le circuit de Doha de Formule 1 ; c'est aussi le tournoi du grand chelem du tennis (ATP), la clinique Aspitar et l'académie de foot Aspire. La planète sport a donc répertorié la notoriété du Qatar depuis des années déjà. Son championnat de foot, bien qu'il soit modeste, attire chaque année de grands joueurs du monde entier pour laisser une empreinte de leur talent dans un pays en jachère. A coups de millions de dollars, cet émirat a fait venir Batistuta, Juninho et autres Canavaro et Guardiola en guise d'investissement intelligent pour braquer sur lui les yeux du monde, la chaîne Al Jazeera Sport s'étant chargée de réunir sur ses plateaux la crème du football mondial et de transmettre tous les grands rendez-vous du sport au monde. Mission accomplie. Ceci sur le terrain du foot et du sport. Au plan diplomatique, il faut reconnaître que cet émirat constitue une exception arabe en termes de bonne gouvernance. Là-bas au moins, le million de Qataris sait où vont les pétrodollars. L'exception arabe Doha ressemble admirablement aux capitales occidentales avec ses grandes tours, ses villas cossues, ses larges avenues et sa verdure en plein… désert. Au plan politique, l'émir du Qatar, cheikh Hamad Ben Khalifa Al Thani, s'est distingué ces dernières années par des initiatives de réconciliation régionales et internationales sans commune mesure avec la taille et le poids de son pays. Les Arabes et les Occidentaux ont appris – malgré eux – à le respecter. On se souvient de la fameuse «contre-conférence» sur la reconstruction de Ghaza qu'il avait organisée pour narguer le leadership égyptien qui voulait monopoliser le dossier. On se souvient aussi des rounds de discussions qu'il avait parrainés à Doha en faveur de la réconciliation inter-soudanaise. Preuve de cet activisme diplomatique, WikiLeaks vient de révéler que le directeur du Mossad, Meir Dagan, a qualifié le Qatar de «véritable problème» et son émir de quelqu'un qui «irrite tout le monde». Il reproche notamment à son émir, cheikh Hamad Ben Khalifa Al Thani, «de jouer sur tous les tableaux – la Syrie, l'Iran, le Hamas – pour assurer sa sécurité et affirmer son indépendance». On le voit bien, ce petit émirat voit légitimement de plus en plus grand. Ce n'est pas du tout évident de recevoir l'onction des pontes de la puissante fédération de Sepp Blatter face à des concurrents aussi riches et hypermodernes que les Etats-Unis, l'Australie, la Corée du Sud et le Japon. Mais un dossier de candidature managé par le jeune polyglotte cheikh Mohammed Ben Hamed Al Thani, qui alternait allégrement entre la langue de Shakespeare celle de Voltaire, et «vendu» médiatiquement par la star mondiale Zinédine Zidane ne pouvait qu'être validé. A l'arrivée, le rêve est devenu réalité : le gazon va pousser sur la terre désertique du Qatar ! Le petit émirat a réinventé, ce 2 décembre 2010, une autre façon d'être arabe.