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Une filière bloquée par l'archaïsme et les lourdeurs administratives
Production de la datte à Biskra
Publié dans El Watan le 19 - 12 - 2010

Sur les 4,2 millions de palmiers dattiers qui croissent dans les Ziban, 2,9 millions sont productifs ; le reste le sera progressivement
dans les années à venir, promettent les services du ministère de l'Agriculture.
Avec l'entrée en production de milliers de palmiers dattiers plantés ces dernières années dans le cadre de différents plans de développement agricole initiés par l'Etat, la wilaya de Biskra enregistre, selon les estimations établies par la direction des services agricoles, une production de dattes, toutes variétés confondues, de plus de 2,5 millions de quintaux. La production de la saison écoulée (2009) était de 2,2 millions de quintaux, soit 300 000 q de moins par rapport à cette année.
Cette quantité – constituée à 65% de Deglet Nour et en des proportions bien moindres de Degla baïdha, de ghers et de quelques autres variétés – se démarque des saisons précédentes par une qualité exceptionnelle de dattes récoltées.
Biskra se place, avec de telles performances, en tête du palmarès des wilayas productrices de dattes, lesquelles, avec un patrimoine phœnicicole d'environ 18 millions de palmiers dattiers, devraient générer plus de 7 millions de quintaux de dattes pour 2010, dont 500 000 q destinés à l'exportation. Annoncée par le ministre de l'Agriculture et du Développement rural, cette ambition est loin d'être une lubie au regard des potentialités existantes, nous diront plusieurs exportateurs de dattes.
La Sarl Phénix, spécialisée dans le conditionnement et l'exportation de dattes et dérivés, a exporté 9000 q vers la France et la Russie en 2009. Une prouesse ? «Oui», répond son gérant qui cite, au chapitre des embûches et des difficultés qui freinent l'épanouissement de l'entreprise, les tracasseries administratives, les délais d'attente dans les ports et le déficit en professionnalisme de la pléthore de fonctionnaires devant apposer leurs signatures et cachets sur les documents. «Quand nos concurrents signent un contrat avec un distributeur moyen-oriental ou un supermarché européen pour lui fournir une quantité de dattes, les horaires et les dates de livraison sont scrupuleusement respectés.
Or, il n'y a que chez nous où il faut passer par des dizaines de bureaux et obtenir des dizaines de signatures pour exporter quelques dattes, lesquelles sont une denrée périssable, sensible aux voyages», dit-il. Il rappelle que «le couloir vert», un dispositif permettant aux exportateurs de dattes de voir leurs marchandises bénéficier d'allégement des procédures douanières et de facilitation de passage au niveau des ports, a été supprimé sans aucune explication.
Le terroir de Deglet Nour
Sur les 4,2 millions de palmiers dattiers qui croissent dans les Ziban, 2,9 millions sont productifs ; le reste le sera progressivement dans les années à venir. Les progrès quantitatifs et qualitatifs de la production de dattes s'expliquent, nous a-t-on déclaré, par le concours de différents facteurs liés en premier lieu aux conditions climatiques qui ont prévalu toute l'année dans la région et «qui ont été idéales pour cet arbre dioïque qui aime avoir les pieds dans l'eau et la tête dans la fournaise des étés sahariens».
Autres facteurs ayant favorisé cette augmentation de la production pour la saison en cours et dont la période de récolte tire à sa fin, les investissements colossaux réalisés dans la filière phœnicicole, le travail d'accompagnement quasi quotidien mené par les techniciens de l'ITDAS au service des agriculteurs, la modernisation des techniques culturales (irrigation, sélection minutieuse des dhokkar, ensachement, etc.) et le lancement cyclique de campagnes phytosanitaires contre les ennemis du palmier dattier que sont le redoutable boufaroua (acarien) et le myelois (papillon nocturne).
Des producteurs et des exportateurs de dattes pensent que l'indication géographique localisée (IGL) pour la production de Deglet Nour initiée en faveur de 10 communes de la wilaya de Biskra, la mise en place d'un comité interprofessionnel de la filière phœnicicole, le contrat de performance signé avec les wilayas et les crédits Rfig – toutes ces mesures décidées par les pouvoirs publics dans le but d'organiser la filière par le biais de soutien financier visant la promotion et la protection des dattes algériennes – ne sont que du «charabia administratif qui ne rapporte rien pour le moment».
Les producteurs attendent plus de concret et d'efforts au service de l'agriculture saharienne et steppique qui pâtit, selon eux, «de l'arrêt des investissements à long terme et d'une déperdition inexorable de main-d'œuvre». En effet, concernant ce dernier point, de nombreux producteurs signalent avoir eu d'énormes difficultés à dénicher de bons ouvriers agricoles, notamment des grimpeurs de palmiers.
La main-d'œuvre fait défaut
Il faut dire que cette activité est harassante et dangereuse. Elle consiste à s'agripper au stipe pour monter jusqu'au faîte du palmier plusieurs fois dans l'année pour y mener différentes opérations nécessaires et inévitables, dont la plus délicate est l'introduction des épillets de pollen afin d'assurer une fécondité maximale de l'arbre, et la plus difficile, la coupe des régimes au moment de la récolte. Requerrant des aptitudes physiques et une grande agilité, elle n'attire plus les jeunes.
Dans les Ziban, les méthodes pour détacher les régimes de dattes sont restées traditionnelles, voire archaïques. Accroché au tronc rugueux au moyen d'un harnais rudimentaire, le cueilleur est, en effet, en permanence en danger ; les chutes ne sont pas rares. «Le comble serait que nous soyons acculés à ramener des jeunes des pays limitrophes pour travailler dans nos palmeraies», se désolent nos interlocuteurs qui savent pertinemment que dans les années à venir plus de 1,3 million de palmiers dattiers encore au stade de djebbar (jeunes palmiers improductifs), arriveront à maturité et qu'il faudra une main-d'œuvre plus nombreuse et de plus en plus spécialisée.
«Aura-t-on assez de bras pour délester les palmiers de leurs précieux régimes ?» se demandent ces oasiens, qui appellent les pouvoirs publics à poursuivre les efforts consentis en faveur de l'agriculture. La modernisation des pratiques culturales et la mécanisation de certaines opérations, la réhabilitation des unités de conditionnement de dattes, dont beaucoup doivent se mettre au diapason des normes internationales, la construction d'un marché de gros des dattes à Biskra, la formation et l'intéressement des jeunes aux métiers de la terre constituent des axes de travail à ne pas escamoter pour que la pérennisation de la culture du palmier dattier dans les Ziban ne soit pas qu'un artefact folklorique.


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