Dans la commune de Béjaïa 610 dossiers seulement ont été déposés auprès du service communal. Plus de deux ans après la promulgation de la loi 08/15 du 20 juillet 2008 fixant les règles de mise en conformité des constructions et leur achèvement, on ne se bouscule pas aux portes de l'administration. Et quand on le fait dans certaines régions du pays, l'administration tire le frein. En vigueur jusqu'à 2013, cette loi a consommé déjà la moitié de sa durée de validité. Dans la commune de Béjaïa, par exemple, 610 dossiers seulement ont été déposés auprès du service communal qui en a traités 228 et en a transmis à la daïra 59. Rien que cela. Ce qui veut dire que l'on est très loin du nombre des constructions «illicites» ou inachevées sujettes à régularisation. Le wali de la wilaya de Béjaïa, M. Hammou Ahmed Touhami, qui a communiqué ces chiffres mercredi dernier au cours d'une journée de vulgarisation de la loi 08/15 par M. Naït Saâda Makhlouf, inspecteur général au ministère de l'habitat et de l'urbanisme, a une appréhension. Celle de faire face durant la dernière année d'application de cette loi à «un afflux extraordinaire». Certains spécialistes voient déjà venir une prolongation pouvant aller jusqu'à 2015. Mais on n'en est pas encore là. Outre la «temporisation» de la part des propriétaires concernés, des obstacles bureaucratiques sont pointés du doigt. Comme le refus de «certaines APC à recevoir plus de 12 dossiers par jour» quand elles ne les rejettent, tout bonnement, pas. M. Naït Sâada, qui rapporte ce constat, émet une injonction qui a le mérite d'être claire, nette et précise : «il est formellement interdit aux APC de rejeter des dossiers de mise en conformité». Un dispositif administratif a été mis en place pour l'application de cette loi. Il va des brigades communales, à la commission de recours de la wilaya en passant par les agents de l'urbanisme et les commissions de daïra. De l'ordre Théoriquement, les dossiers ne doivent pas rester plus de 15 jours au niveau des communes et pas plus d'un mois au niveau des directions de l'Urbanisme et de la Construction (DUC). «Quand on me signalera un dépassement de délai au niveau de la DUC, le DUC tremblera» avertit l'inspecteur général qui semble mettre un point d'honneur dans la réussite de ce processus. La raison ? La loi 08/15 est «sienne». L'existence de celle-ci trouve toute sa justification à Béjaïa, comme partout ailleurs dans le pays, où les constructions illicites côtoient celles inachevées et qui sont de véritables plaies urbaines. Pour le nouveau wali de Béjaïa, la responsabilité est partagée. Il prend comme exemple, parmi tant d'autres, le quartier de Tizi, dans le chef-lieu de wilaya, pour illustrer le fait accompli devant lequel se trouvent les pouvoirs publics qui se sont rendu compte qu'il n'est pas possible de démolir tout. «Une ville s'est érigée à Tizi. Des constructions illicites ont été faites dans toutes les communes, sans aucune exception, parfois avec la complicité des uns et des autres» a lancé, accusateur, le nouveau wali de la wilaya, mettant élus et administration dans le banc des accusés. Pour mettre de l'ordre dans le bâti national, une loi (04/05) a été votée en 2005. Face à une construction illicite, elle proposait deux voies : la démolition ou la justice. Dans ce contexte, bien des constructions ont été démolies dans la ville de Béjaïa qui en garde d'ailleurs des décombres à ce jour. «Aujourd'hui nous vous demandons d'oublier tout ça. La loi vous autorise à démolir, mais si vous ne pouvez pas régularisez» a lancé M. Naït Saâda face à un parterre de chefs de daïra, de présidents d'APC et de responsables de l'administration. Voilà qui traduit le revirement des pouvoirs publics qui ont dû revoir leur copie après la loi 04/05. Combien sont-elles ces constructions dont les propriétaires ont cette chance de se soustraire à l'illicite ? En l'absence de recensement, il n'existe aucun chiffre. Sauf ceux, du ministère de tutelle, faisant état de 553 000 constructions précaires dans tout le pays dont 92 000 construites en taule et 180 000 en terre.