Analyse, en contribution à un débat «post mortem», des résultats du sommet de Cancun, initié par les Nations unies sur la question du réchauffement climatique global (RCG). Par le Dr. Hassini Tsaki (*) L'Algérie, en qualité de représentante du groupe des pays africains, a pris le grand risque d'égratigner le crédit historique et légendaire de sa carte diplomatique en acceptant de faire couple avec l'Espagne pour peser comme vecteur et modératrice des positions nationales encore bien éloignées afin de faire aboutir ce sommet, réunissant plus de 190 pays, à un succès sur les dispositions et accords conduisant à une réduction des émissions de gaz à effet de serre et de trouver les voies et moyens pour accompagner aussi les manifestations sociales, économiques et humanitaires du réchauffement climatique global par la mise en place de politiques multilatérales solidaires (constitution, entre autres, d'un «fonds vert» à même de prendre en charge les aspects sociaux, économiques et humains des populations des pays pauvres exposées aux premiers effets du RCG). Après l'échec cuisant, négativement retentissant et encore vivace de Copenhague, l'échec du sommet de Cancun restait prévisible, puisque aucune évolution notable dans l'analyse de la problématique et des enjeux réels déclarés ou occultés encore du RCG n'a connu de faits nouveaux depuis. Erreur d'appréciation surtout due au manque de visibilité par rapport à cette question, qui, après 28 années d'efforts déployés par les Nations unies, semble plus conduire aujourd'hui, et depuis quelques mois, à la division des pays du monde qu'à leur rassemblement et concours vers des solutions négociées et solidaires. La première démarche vers la résolution d'un problème réside souvent dans son juste énoncé et sa claire analyse : un problème ou un quelconque exercice élémentaire mal posé ne peut conduire à une résolution juste et rapide ... Et de cette façon, il contribuera plus, et a contrario, en installant et en instillant plus de tergiversations que de compréhension. Nous demeurons, aujourd'hui, nous tous, autant que les opinions nationale et internationale, par rapport à l'acuité et à la préoccupation «angoissante» de cette question spécifique du climat, dans l'attente et l'impatience d'être davantage éclairés par nos médias, nos hommes de science, nos technocrates et décideurs politiques. Qu'est-ce que le réchauffement climatique global (RCG) ? Et quelle est la part du vrai et du faux dans les assertions concernant cette question ? Et y a-t-il eu auparavant, et de manière naturelle, des épisodes d'«arification» ou de réchauffement cyclique du climat de la planète durant et tout au long du quaternaire depuis quelques 100 000 ans sans que la planète disparaisse ni qu'elle perde de sa fonctionnalité dans la vie et dans le maintien de l'équilibre dans la biosphère en général ? Qu'est-ce que les émissions de gaz à effet de serre (GES) ? Et quelle est, vraiment, la part réelle du C02 d'origine anthropique dans l'élévation des températures de la planète ? Quels sont les enjeux pour les pays du Sud et émergents et quels sont ceux des pays riches et industrialisés du Nord, par rapport à cette forte médiatisation de la question climatique ? Quelles sont les faits avérés et les vérités scientifiquement établies dans l'énoncé du réchauffement climatique global ? Quels sont les objectifs recherchés, mais encore occultés et non révélés par les pays riches ou industrialisés et où peut résider la manipulation de la légère oscillation climatique quaternaire ? La sécheresse, les pays du Sud et sahéliens, près de chez nous, en souffrent depuis une trentaine d'années sans que cela ait pu émouvoir les pays du Nord, ou même sérieusement l'Assemblée des Nations unies ! Les paléoclimatologues, les paléogéographes, les géologues, les archéologues et bien d'autres spécialistes vous diront que le réchauffement climatique à commencé au néolithique, c'est-à-dire il y a quelque 8 000 ans et reste avéré scientifiquement, et daté par la fin la dernière pulsation humide du quaternaire, dont les gravures rupestres de l'ancienne civilisation saharienne portent encore les stigmates et témoignages. Ce discours sur le réchauffement climatique global est devenu une sorte de nouvelle idéologie liée aux effets de la globalisation, de l'ouverture des frontières économiques et des conséquences surtout des délocalisations industrielles dans les pays du Nord, après la chute du mur de Berlin et l'accentuation d'une certaine compétitivité économique développée par les pays émergents du Sud. Nouvelle idéologie qui souhaite faire reprendre les initiatives et un pouvoir d'influence par l'ancien centre du monde et qui tente ouvertement aujourd'hui de «dédouaner» les tenants et lobbies des technologies de l'énergie nucléaire civile de la notion de dangerosité civile et environnementale et de diaboliser davantage le pétrole, le charbon et autres sources d'énergie fossile ! Alors que l'explosion des réacteurs nucléaires de Tchernobyl (avril 1986) est encore vivace dans nos mémoires et ses effets, qui ont autant concerné les pays d'Europe, les pays méditerranéens que d'autres, montrent et montreront encore longtemps leur morbidité destructive et combien millénaire. Le discours sur le RCG a permis surtout de supplanter les véritables problèmes liés à la détérioration de l'environnement de la planète et à l'aggravation de la pauvreté et de la disparité dans le monde dans un rapport Nord-Sud irrémédiablement inégalitaire, malgré la globalisation des économies. Ce discours cherche en définitive à perpétuer l'idée de puissance de domination du savoir ou de maîtrise de technologies nouvelles à même d'assurer des économies non polluantes et de réduire le droit et la liberté au développement et à l'industrialisation des pays du Sud. Il y quelques siècles, on investissait les contrées du Sud et leurs populations pour «sauver leurs âmes», ou les «civiliser», alors que les raisons réelles n'étaient que bassement pécuniaires et d'exploitation ... Aujourd'hui on voudrait les convaincre de vouloir et pouvoir sauver leur survie et continuité sur la planète ! Que cache le discours sur le RCG ? C'est la dernière trouvaille pour imposer une gouvernance mondiale par des diktats et résolutions contraignantes afin de réduire les souverainetés nationales, et en finalité de réduire la démarche écologique mondiale qui a atteint, il y a une décennie une conscience internationale (voir les actions des ONG comme Greenpeace dans l'histoire ubuesque du porte-avions Le Clemenceau qui a vogué sereinement vers l'Asie pour aller liquider son amiante sur les rives d'un pays du Sud, avant que cette ONG n'ait réussi à alerter l'opinion publique internationale et puis le retour à sa base du porte-avions et de sa dangereuse amiante) qui pouvait conduire à un sursaut positif dans les relations internationales au bénéfice des pays du Sud. Voilà les questions auxquelles il s'agit de répondre sérieusement, sereinement et surtout d'une manière indépendante afin de pouvoir résoudre le problème du réchauffement climatique global s'il est réel, ou de le démystifier et le disqualifier d'une manière scientifique et d'aller de l'avant par la prise en charge des véritables problèmes écologiques, sanitaires, sociaux et économiques des peuples et populations du monde. Même dans le sombre Moyen Âge européen et le lumineux et resplendissant 12e siècle andalou ou baghdadi, il était notoire et de tradition que les souverains, pour s'éclairer sur des questions qui requéraient l'intervention et analyses des scientifiques et hommes du savoir, ne manquaient pas de demander la constitution de divans (diwans) ou assises rassemblant des sages et hommes de savoir de toutes obédiences philosophiques et disciplinaires, et à qui ils confiaient la question et ses interrogations pour recueillir les interprétations nécessaires aux explications sinon à un consensus avant de conclure à l'adoption d'une quelconque démarche et résolution. Pourquoi ne pas réunir des spécialistes de divers horizons scientifiques pour débattre de la question du réchauffement climatique global, et trouver ainsi les explications, les certitudes, ou les non-certitudes, afin de pouvoir prendre des résolutions justes, éclairées et surtout justifiées. Et c'est à ce propos, et d'une manière naturelle, que doivent s'inviter les élites et l'intelligentsia d'un pays : pour apporter et vérifier les informations et contredire les fausses vérités, et éclairer, la société et les décideurs du pays pour qu'ils puissent conformer leurs dispositions politiques et autres à des éléments avérés et étayés par des sources scientifiques indépendantes. La science, ou plutôt son langage et ses servitudes, ne sont pas toujours objectives et neutres. Comme disait le géographe français Yves Lacoste, dans l'intitulé d'un de ses ouvrages : «La géographie, ça sert d'abord à faire la guerre !» Le crédit, la solvabilité et la caution diplomatique de notre pays sur la scène internationale ne nous ont pas été concédés par un jeu de hasard ou une quelconque coïncidence favorable du destin, ce sont des acquis obtenus par réaction et réactivité à une histoire nationale contrariée par un siècle et demi d'oppression et de dénis de toutes sortes, et grâce au travail titanesque accompli par le sacrifice et le dévouement de militants, penseurs et intellectuels du pays. Ces valeurs et atouts méritent, comme un précieux héritage et un véritable patrimoine national, d'être consolidés et enrichis par un effort de tous les scientifiques, les analystes, les penseurs, les projectionnistes, les spécialistes des médias et de la communication, les créateurs et savants du pays, chacun dans le domaine de sa compétence. Il est peut être temps aujourd'hui, après des années de tergiversations stériles, de porter plus la contradiction féconde à l'émergence de nouveaux rapports internationaux Nord-Sud favorables au développement durable et à la lutte contre la pauvreté que de se suffire à offrir complaisamment sa voix et bénédiction à un discours fabriqué dans quelques officines douteuses et nostalgiques du Nord. En effet, ce discours sur le RCG au caractère douteusement désintéressé et internationalement mitigé a montré à Cancun, et après l'échec de Copenhague, une incertitude sur un accord conclu au forceps et qui représente plus un engagement de bonnes intentions que des dispositions réelles et contraignantes. Les représentants de plus de 190 pays, après plus de 10 jours de discussions et de tractations au bord de la cité balnéaire de Cancun au Mexique, se sont engagés, ou plus précisément se sont promis, de réduire les émissions de gaz à effet de serre de sorte à ne pas dépasser les fameux 2 degrés (évoqués déjà à Copenhague) et la constitution d'un «fonds vert» de 75 milliards de $, nécessaires aux adaptations sociales des effets du réchauffement climatique en direction des pays pauvres. Fonds à pourvoir par les pays riches, mais sans que le sommet arrive à définir les modalités de constitution de ce fonds ni l'adoption de véritables mesures contraignantes quant à sa mise en place effective et sa mise à disposition utile. Le sommet de Cancun est-il un demi-échec ou un demi-succès ? Un échec, il est vrai, un an après celui de Copenhague, apparaîtrait comme une issue dangereuse pour la poursuite de tout le processus qui a engagé la légitimité et la crédibilité de l'institution onusienne sur le climat, lancé en 1992 à Rio lors du sommet de la Terre. Dans la plupart des autres dossiers importants, comme l'adaptation aux changements climatiques, la déforestation ou le transfert de technologie, les négociations ont bien progressé, de l'avis de certains participants. Pourtant, aucun accord ne pouvait être conclu définitivement sur ces points tant que le problème central de la réduction des émissions de gaz à effet de serre n'aura pas été résolu. Les pays industrialisés d'Europe, qui, aujourd'hui, s'engagent à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre dans le cadre du Protocole de Kyoto, sont prêts à souscrire de nouveaux engagements seulement si les pays émergents comme le Brésil ou l'Inde et les Etats-Unis (non signataires du traité) en font de même. Après le Japon, la Russie a clairement indiqué jeudi qu'elle ne voulait pas entendre parler d'une nouvelle période d'engagement dans le cadre de ce traité, qui fixe des objectifs chiffrés de réduction d'émission de gaz à effet de serre aux pays industrialisés (sauf les Etats-Unis qui ne l'ont pas ratifié). Les grands pays en développement, émergents en tête, en font une condition «non négociable». Ils soulignent inlassablement l'importance de cet outil juridique qui «offre une paroi étanche avec les pays du Nord», qui ont une responsabilité historique dans l'accumulation de C02 dans l'atmosphère de la planète. ‘ Signe encourageant pour l'avenir des discussions à moyen terme, l'Inde a, pour la première fois, évoqué la possibilité que son pays puisse signer, un jour, un traité juridiquement contraignant sur le climat. Il y a un an, la conférence de Copenhague avait cristallisé tous les espoirs avant d'accoucher à la dernière minute d'un accord à minima fixant comme objectif de limiter le réchauffement à 2 degrés, mais sans calendrier et en restant évasive sur les moyens à mettre en œuvre, entres autres, ceux concernant la constitution du «fonds vert». Après une année, on n'a pas avancé d'un iota, bien que les atteintes sur l'environnement, sur la biodiversité, et sur l'aggravation du niveau de paupérisation des pays du Sud s'accentuent jour après jour ! (*) Professeur habilité en direction des recherches Faculté des Sciences, université d'Oran