Bouabdallah Ghlamallah, ministre des Affaires religieuses, a tenté de prêcher la bonne nouvelle au Conseil de la nation, jeudi, en affirmant que le salafisme n'est plus une menace en Algérie. Certes, cette doctrine n'existe plus aujourd'hui dans les formes brutes et conquérantes qu'elle avait revêtues durant la décennie 1990, lorsque la mouvance de l'ex-FIS, son bras armé l'AIS et les groupes islamiques armés (GIA) s'en étaient emparés pour renverser l'ordre républicain, avec l'appui massif des monarchies arabes du Golfe, notamment de l'Arabie Saoudite, Etat et oulémas. Mais le salafisme est loin d'avoir disparu dans notre pays et si le ministre des Affaires religieuses le reconnaît à demi-mot en avouant que ses idées persistent encore dans quelques mosquées et certaines universités, il ne dit mot du nouvel habit qu'elles ont revêtues pour revenir à la surface, avec comme objectif de reprendre le terrain perdu au sein de la société algérienne. Celle-ci a pu sortir indemne de la décennie 1990 en s'appuyant sur les ressorts de l'Islam authentiquement algérien et en mettant à profit la remarquable résistance populaire des villes et villages. L'affranchissement total et définitif vis-à-vis du salafisme aurait été possible, aujourd'hui, si la sphère politique dirigeante n'avait pas versé, dès le début de la décennie 2000, dans la quête permanente de compromis avec les couches sociales les plus conservatrices du pays et avec les forces politiques qui les représentent. Et si elle n'avait pas fait de graves concessions à l'intégrisme politique. Des procès à répétition pour non-observance du jeûne durant le mois de Ramadhan, des tracasseries administratives et judiciaires à l'encontre d'Algériens se revendiquant de confession chrétienne et une persistance de troubles communautaires dans la vallée du M'zab suite à la non-reconnaissance officielle du rite ibadite. Pour ne citer que quelques exemples. Ajoutons à cela les méfaits du code de la famille de 2005 dont les auteurs sont les mêmes que ceux ayant pensé le texte de 1984, mus d'une même volonté de refuser tout ijtihad dans la mise en œuvre du droit musulman, en contradiction avec l'esprit même du texte coranique. Le code de la famille infantilise la femme tout en l'exposant à toutes sortes de violences et d'humiliations. Les salafistes algériens d'un «nouveau type», souvent bon chic bon genre, tentent par tous les moyens de préserver le statu quo actuel pour éviter l'évolution du code de la famille vers un code civil. Comme ils sont particulièrement actifs pour s'opposer à toute évolution du droit, notamment la mise en conformité de la législation interne avec les traités internationaux signés par le pays. Une telle évolution règlera la question épineuse de la liberté de conscience et de culte, et cela ils n'en veulent pas, préférant un pays où la Constitution est empreinte d'ambiguïtés et d'insuffisances et qui peut être facilement piétinée.