Interrogé il y a juste un mois, à Boumerdès, sur le comportement des salafistes et de certains imams de mosquée qui prônent des discours radicaux lors des prêches, le ministre des Affaires religieuses et des Waqfs, Bouabdallah Ghlamallah, a affirmé que “les inspecteurs, qui ont effectué des contrôles au niveau des mosquées, n'ont pas relevé de cas semblables, mais des problèmes de gestion au niveau de certaines associations”. Or, voilà que ce vendredi, un imam payé avec l'argent public a invité les fidèles d'une localité de la wilaya de Boumerdès à ne pas fréquenter les plages à cause de la mixité : “C'est mauvais d'aller à la plage où il y a beaucoup de choses à ne pas voir.” L'imam suggère ensuite aux fidèles de ne pas passer leur temps à la plage au détriment de la prière. Un autre imam a carrément critiqué le programme de la télévision. “Regarder les fêtes et les chanteurs en train de danser à la télévision, c'est mauvais”, précisera-t-il encore. Surpris, certains fidèles se sont demandés si l'imam “antaâ doula” ou s'il est envoyé par un autre courant religieux. Dans une autre localité proche du chef-lieu de wilaya, un imam est devenu célèbre par ses prêches virulents à tel point que des salafistes viennent de plusieurs wilayas pour y assister le vendredi. À chaque sortie de la mosquée où exerce cet imam, on se croirait à Peshawar. Et ce n'est pas propre à cette commune ou à la wilaya de Boumerdès ; dans plusieurs régions du pays et, contrairement à ce qu'avance le ministre des Affaires religieuses, les salafistes envahissent les mosquées, encouragés parfois par des imams payés par l'Etat algérien et qui, malheureusement, véhiculent ces mêmes idées. “La mosquée ne doit en aucun cas subir l'influence d'aucun groupe mais nous ne pouvons interdire à quiconque l'accès à nos mosquées”, avait indiqué M. Ghlamallah lors de sa visite effectuée à Boumerdès. Mais il ne s'agit plus de groupes extérieurs à la mosquée, c'est plus grave, puisque c'est “la mosquée” elle-même qui à travers certains de ses imams prône le discours radical et extrémiste. L'on se rappelle que les élus de l'APW de Boumerdès avaient tiré la sonnette d'alarme, il y a deux mois, lors d'une session plénière, en interpellant les pouvoirs publics pour mettre fin aux agissements des salafistes. Un des élus de cette assemblée, bien qu'il soit membre du MPC (Mouvement de la prédication et du changement) de Menasra, a déclaré que la plupart des mosquées de la wilaya de Boumerdès sont sous l'emprise des salafistes. “Ces groupes de salafistes, qui se sont emparés des mosquées, représentent une réelle menace pour la cohésion et l'union des fidèles”, avait indiqué, pour rappel, cet intervenant tout en s'interrogeant sur l'attitude des autorités et responsables concernés. La réponse viendra du ministre deux semaines plus tard, mais elle ne sera pas convaincante et les propos des élus de l'APW sont plus que jamais confortés. Il y a quelques semaines, ce sont les bureaux tabac de certaines localités de la capitale qui étaient contraints d'abandonner leur activité après avoir reçu la visite de faux prédicateurs qui ont usé de la bonne parole s'apparentant en fait à des menaces déguisées. Cette offensive discrète et rampante des salafistes, qui veulent imposer leur diktat, intervient au moment où les pouvoirs publics ont décidé de fermer plusieurs établissements de vente de boissons alcoolisées. Différents prétextes sont utilisés pour persuader les propriétaires de bars et restaurants de fermer boutique ; de la fameuse licence à l'enquête commodo-incommodo même pour ceux qui exercent depuis plus de cinquante ans. Fermer par n'importe quel moyen. On n'en reste pas là, il y a même des walis qui l'ont annoncé ouvertement et publiquement. “On saisira toutes les occasions pour fermer les établissements qui existent déjà et on ne donnera plus d'autorisation à de nouveaux établissements pour la vente de boissons alcoolisées”, avaient affirmé récemment certains walis. De telles initiatives et de tels discours ont apporté de l'eau au moulin des salafistes qui n'en demandaient pas tant. M. T.