Selon la voix officielle, une réévaluation de la monnaie algérienne générerait inévitablement une tension inflationniste tirée par une évolution de la consommation. Pourquoi la valeur du dinar algérien est-elle si insignifiante, en comparaison, par exemple, avec le dinar tunisien qui se rapproche de l'euro (1 euro-1,9042 dinar tunisien), ou encore avec la monnaie marocaine, dont le change est de 1 euro pour 11,1476 dirhams ? Le dinar algérien, lui, est très loin de la valeur du dinar tunisien ou du dirham marocain, comparés à la monnaie unique. L'euro (1 euro) est échangé officiellement contre 98,54 dinars algériens, alors que le taux de change sur le marché parallèle dépasse les 130 DA pour 1 euro. Disons-le tout net : cette valeur n'est-elle pas si médiocre, loin de toute polémique sur les paramètres usités afin de parvenir à ce taux de change ? Il est vrai que pour les importateurs et les consommateurs, un dinar moins faible arrangerait bien leurs affaires. Les rarissimes exportateurs qui tentent de placer le «made in Algeria» sur les étals européens préfèrent, de toute évidence, voir le dinar se maintenir aux paliers inférieurs de la pyramide. En fait, ce sont les administrateurs de la Banque d'Algérie qui usent de leurs calculettes afin d'aboutir à ce taux de change officiel de 1 euro contre 98 DA. Selon toute vraisemblance, le convertisseur officiel sanctionne bien le consommateur qui voit son pouvoir d'achat déprécié et l'industriel, dont la trésorerie s'avère souvent impuissante face au coût des intrants en matières premières. Mais il semble que l'Etat a ses raisons que le consommateur ne connaît pas. Le calcul du taux de change se fait sur la base de paramètres en relation avec la macroéconomie et les équilibres économiques, voire sociaux. Selon la voix officielle, une réévaluation de la monnaie algérienne générerait inévitablement une tension inflationniste tirée par une évolution de consommation. Mais il s'agit, faut-il le dire, d'un facteur d'équilibre propre à l'Algérie, un pays importateur par excellence. En d'autres termes, une réévaluation du dinar entraînerait la hausse des importations par la consommation interne, propulsée, elle aussi, par l'amélioration du pouvoir d'achat. Cependant, dans une économie qui fonctionne normalement, la hausse de la consommation est une bonne nouvelle pour l'économie. Seul l'investissement productif est en mesure de tirer le gouvernement de ce cercle vicieux. Mais le gouvernement a-t-il cette détermination ? Toute la question est là. Car, en l'absence d'investissements productifs, générateurs de richesses et d'emplois, voire même d'excédents à l'importation, le gouvernement cessera sans doute de jouer avec les calculettes pour faire ressortir un taux de change non préjudiciable. Le consommateur se livre à d'autres calculs, simples mais non anodins. Pourquoi dispose-t-on d'assez importantes réserves en devises, alors que le pouvoir d'achat est en décroissance continue ? Historiquement, le régime de change du dinar a connu plusieurs étapes. Créé en 1964, le dinar algérien était émis à parité égale avec le franc jusqu'en 1973, soit 1 dinar pour 1 franc, alors que sa valeur par rapport au billet vert était si appréciable (1 dinar pour près de 5 dollars). Depuis 1974, date de l'effondrement du régime de Bretton Woods, la valeur du dinar est fixée suivant l'évolution d'un panier de 14 monnaies. Mais le contrôle de change n'était pas aussi drastique que ce qu'il est actuellement. De 1986 à 1990, période suivant le fameux contrechoc pétrolier de 1996, le dinar a connu une forte dépréciation, passant de 4,82 à 12,191 (cours USD/DZD), soit une dévaluation de plus de 150%. La seconde dépréciation, de l'ordre de 22%, est intervenue en 1991 sous le contrôle du Fonds monétaire international (FMI). Trois ans plus tard, une nouvelle dévaluation, cette fois-ci de plus de 40% par rapport au dollar américain, est opérée par la plus haute autorité monétaire du pays, acquiescée directement par l'institution de Bretton Woods, le gendarme de la finance mondiale. L'année 1995 marque, elle, les premiers pas vers une convertibilité commerciale de la monnaie algérienne. Quant à sa convertibilité totale, certains experts de la place financière algérienne estiment que le moment n'est pas encore venu pour cette importante métamorphose monétaire, car l'économie reste lamentablement tributaire de la manne pétrolière. La convertibilité totale du dinar suppose aussi la levée de tous les garde-fous, conditionnée par la garantie d'une parfaite confiance en la monnaie algérienne. La convertibilité d'une monnaie est conditionnée aussi par l'ouverture du compte capital. Mais dans le cas de l'économie algérienne, l'ouverture du compte capital relève d'une opération à haut risque, à l'heure où l'économie du pays est accrochée au seul fil des hydrocarbures. Mais que pensent donc les experts et les opérateurs ? Le débat mérite d'être relancé, à l'heure où la guerre des monnaies est sérieusement déclarée en Occident.