Dans une interview au Monde et au Figaro, il a détaillé le scénario de son renversement «démocratique». Et si Laurent Gbagbo était réellement victime d'un coup fourré ? Lui, le président autoproclamé de la Côte d'Ivoire, le soutient en tout cas. Il a accusé hier la France et les Etats-Unis d'avoir mis au point un scénario pour le chasser du pouvoir et placer leur «homme», Alassane Ouattara. C'est là la dernière nouvelle du «front» ivoirien ouvert depuis le réveil de ce pays sur une présidence à deux têtes, au terme d'un scrutin renversant. En effet, et alors que toute la communauté internationale, notamment les Occidentaux soutiennent Alassane Ouattara — un musulman pourtant ! – le concerné crie à qui veut l'entendre qu'il est victime d'un «complot». Dans des interviews, pointe du doigt la France et les Etats-Unis qui auraient manœuvré pour l'écarter du pouvoir. Il y fustige «les positions incroyables, inexplicables et injustifiables» prises par Paris et Washington. Le président sortant a en particulier mis en cause l'action des ambassadeurs de France et des Etats-Unis en Côte d'Ivoire dans les jours qui ont suivi l'élection. L'ambassadeur de France et l'ambassadeur des Etats-Unis «sont allés chercher Youssouf Bakayoko, le président de la Commission électorale indépendante, pour le conduire à l'hôtel du Golfe qui est le quartier général de mon adversaire», a affirmé Laurent Gbagbo. «Là-bas, alors qu'il se trouve hors délais et tout seul, ce qui est grave, on apprend qu'il a dit à une télévision que mon adversaire est élu. Pendant ce temps-là, le Conseil constitutionnel travaille et dit que Laurent Gbagbo est élu. A partir de là, Français et Américains disent que c'est Alassane Ouattara. C'est tout ça que l'on appelle un complot», a accusé le président sortant dans cette interview. Autre élément qui renforce les soupçons, la France a enclenché hier une procédure pour agréer un nouvel ambassadeur de Côte d'Ivoire nommé par Alassane Ouattara… Le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Bernard Valero, a indiqué que la France avait été informée de la désignation par Alassane Ouattara d'un nouvel ambassadeur à Paris. «Nous avons pris acte de cette décision prise par les autorités légitimes de la Côte d'Ivoire, ainsi que de la demande d'agrément pour un nouvel ambassadeur», a-t-il déclaré. «La procédure d'agrément est en cours», a-t-il ajouté, sans donner l'identité de celui qui a été désigné. Le camp d'Alassane Ouattara souhaite ainsi remplacer Pierre Kipré, une personnalité proche de Laurent Gbagbo. La fonction d'ambassadeur en France, ancienne puissance coloniale et partenaire économique essentiel, est un poste clé pour le pouvoir ivoirien. Après le second tour de l'élection présidentielle, le 28 novembre, la France a rapidement reconnu la victoire électorale d'Alassane Ouattara, de même que l'immense majorité de la communauté internationale qui appelle depuis Laurent Gbagbo à se retirer. Le probable agrément accordé à un nouvel ambassadeur apparaît comme une nouvelle pression de Paris sur le camp de Laurent Gbagbo. La veille, le ministère des Affaires étrangères avait annoncé que l'avion officiel du président sortant avait été bloqué à l'aéroport de Bâle-Mulhouse en réponse à une demande des «autorités légitimes» de Côte d'Ivoire. L'appareil effectuait un contrôle de maintenance sur cet aéroport frontalier, géré conjointement par la Suisse et la France. Pendant ce temps, le camp Gbagbo met en garde contre le retour de la guerre civile. Hier, l'appel à la grève générale lancé par son rival Ouattara a été peu suivi selon les agences. Une démonstration de force ratée pour ce dernier qui compte beaucoup sur le lobbying de la France et des Etats-Unis. Jusqu'à quand ?