Pour ce leader politique de confession chrétienne, les musulmans et les coptes vivent en symbiose. Il récuse l'idée qui consiste à faire croire que la minorité chrétienne est persécutée. Seule l'instauration d'un véritable Etat républicain civil pourrait permettre aux chrétiens et aux musulmans de vivre leur citoyenneté, préconise le coordinateur du FLC. - Quelle est la situation actuelle des chrétiens coptes ? Les chrétiens coptes ne sont pas dans une situation naturelle. Depuis la révolution de juillet 1952, qui a vu l'Egypte passer du pluralisme politique vers une situation du parti unique avec l'Union socialiste, il ne fallait qu'aucune voix ne dépasse celle de la révolution. La rue égyptienne s'est du coup trouvée exclue de la vie politique nationale. Avec l'arrivée d'Anouar El Sadate au pouvoir, le conflit s'est accentué entre lui et les mouvements extrémistes religieux. Dans ce conflit, les Coptes se sont trouvés, malgré eux, «l'essence», et cette situation dure jusqu'à présent. Ainsi, et avec tous les pouvoirs successifs, les Coptes ne jouissent pas de leurs droits à la citoyenneté dans son acception politique. Je ne dis pas qu'ils sont persécutés, parce que le terme est trop fort, mais plutôt qu'ils subissent des formes de discrimination de la part du pouvoir politique. Cela apparaît dans les domaines de l'éducation, de la culture et dans les mosquées les plus extrémistes. Et tant que l'Etat traitera les Egyptiens non pas en tant que citoyens, mais comme étant des confessions, l'exclusion et la discrimination des Egyptiens musulmans et coptes en particulier alimenteront les tensions. - Certains observateurs locaux disent que les Coptes veulent avoir «un Etat dans un Etat…» Non, je ne le pense pas. Cette accusation ne repose sur aucun fondement logique, pour la simple raison que l'intégration entre musulmans et chrétiens coptes est entière. Les Coptes ne vivent pas dans un endroit isolé, mais dans chaque endroit du pays, on trouve des Coptes et ils vivent en harmonie avec les musulmans. Il faut dire qu'en Egypte, l'Etat central est constitué depuis des siècles ; il est impossible d'imaginer qu'une catégorie, aussi religieuse soit-elle, pourrait vivre en dehors de cet Etat. - Mais l'extrémisme religieux se manifeste du côté de l'église orthodoxe et cette dernière exerce un contrôle important sur la communauté chrétienne copte… Je ne suis pas tout à fait de cet avis. Il faut savoir que nous vivons la conséquence des attaques dues au fait de discriminations et qui conduisent au bout du compte à un repli pour se protéger et protéger l'identité copte. Je dois souligner que même si l'église est très présente dans la vie sociale, elle n'est pas hégémonique. Des courants de pensées traversent la communauté copte. Nous sommes, nous-mêmes, un mouvement qui milite pour la laïcité, d'autres sont militants des partis politiques, et des figures importantes coptes sont très actives dans le mouvement «Kifaya». Ce sont autant d'exemples qui battent en brèche l'idée qui consiste à ne pas voir les Coptes en dehors de la religion. - Le discours des Frères musulmans vous fait-il peur ? Non pas du tout. Pour nous, ils ne sont qu'un produit médiatique. On les a vus lorsqu'ils étaient à l'Assemblée du peuple (Parlement) en 2005. Ils n'ont abordé aucune question de grande importance qui pouvait intéresser la société et l'avenir du pays. Leurs actions et interventions portaient sur des questions très secondaires, telles que les habits de telle chanteuse ou de tel chanteur. Nous n'avons pas à les craindre, car ils ne sont qu'un phénomène verbal. Cependant, il y a nécessité urgente d'instaurer un Etat civil et laïc pouvant permettre à chaque Egyptien de jouir de tous ses droits et qui garantisse la liberté de conscience. C'est le seul salut si nous voulons éviter d'ouvrir la porte à un Etat confessionnel.