Les temps sont loin où l´Emir Abdelkader, en exil à Damas, avait sauvé d´un massacre certain, en les recevant dans son palais, des familles entières de chrétiens de Syrie et de l´actuel Liban, pourchassés par la «guerre interreligieuse» de l´ère postcoloniale au Moyen-Orient. Ce furent les derniers moments de l´âge d´or de la convivialité entre les religions musulmane et chrétienne. Le coup de grâce a été donné au contrat de convivialité entre le monde musulman et l´Occident avec l´injuste partage de la Palestine, en 1947, à l´initiative des Etats-Unis et des pays européens. Ce fut un acte odieux dont même les Palestiniens de confession chrétienne font les frais, au jour d´aujourd´hui, avec la poursuite de la politique de judaïsation à l´est d'El Qods, le tout dans l´indifférence des pays qui se sont empressés de trouver un «foyer national» pour les juifs, loin de la terre où ils ont été persécutés. Evoquer aujourd´hui la persécution des chrétiens en terre musulmane est une réalité que personne ne peut nier. Trop de cas d´affrontements entre communautés de diverses confessions ont même marqué douloureusement l´année 2010 qui s´achève sur un triste bilan, fait d´actes de violences comme la planète en a rarement connus depuis l´âge d´or des convivialités entre les religions. L´approche des fêtes de fin d´année, le jour de Noël en particulier, a été l´occasion en Occident de soulever la question du sort des minorités chrétiennes qui ont été particulièrement persécutées en 2010. Comme en Irak où les groupes terroristes affiliés à Al Qaïda ont massacré une église avec hommes, femmes, et enfants en bas âge au moment de la prière. Une scène d´horreur qui a choqué, bien sûr, tous les musulmans. Comme au Pakistan avec ces mêmes images d´horreur, le fait de mêmes auteurs, qui ont ému la planète et pas seulement les communautés chrétiennes. Ou encore en Egypte où les fondamentalistes n´attendent que la première occasion pour régler son compte à la minorité copte. Beaucoup de familles chrétiennes ont accepté la proposition de s´exiler dans des pays européens, notamment en France d´où Nicolas Sarkozy a expulsé de jeunes «sans papiers» musulmans afghans qui avaient dû fuir leur pays pour échapper à la férocité des talibans. D´autres ont refusé de quitter le pays de leurs ancêtres, l´Irak où la communauté chrétienne est établie depuis la nuit des temps. «Je suis Irakien et ma place est ici quel que soit le prix ! C´est dans mon pays que je mourrais», a répondu un prêtre irakien, en fidèle gardien du temple. Se préoccuper du sort de la communauté des Arabes- hrétiens d´Irak est un sentiment humanitaire parce que des êtres humains sont la cible de la haine extrémiste pour leur seule identité religieuse. Par contre, se lamenter, comme on le fait en Occident, sur le seul sort d´une partie du peuple irakien, combien même ce sort serait incertain, comporte parfois une sacrée dose d´hypocrisie. Pour agiter davantage le spectre de la menace «musulmane» qui plane sur cette minorité, pourtant vivant en paix avec le musulmans, très bien intégrée dans son pays avant l´arrivée des Américains et des Anglo-Saxons, tous les abus sont bons : la condamnation à mort d´une jeune pakistanaise chrétienne pour avoir «injurié» l´islam, les expulsions de nombreux évangélistes du Maghreb et l´histoire des minarets ou de la burka. En Europe, on cite volontiers sont trop se poser de questions des exemples de violations flagrantes des droits de l´homme et des minorités, sans jamais s´interroger sur l´origine d´un mal qui ronge sans discernement les chrétiens comme les musulmans. On fait l´impasse sur les causes de la rupture du consensus de sociétés intercommunautaires depuis au moins ces quatre ou cinq dernières décennies. Dans le cas précis de l´Irak, ces conflits interreligieux n´avaient jamais existé avant l´invasion de ce pays laïque par les Etats-Unis. La communauté chrétienne vivait en parfaite harmonie avec les musulmans sous le gouvernement de Saddam dont le chrétien Tarak Aziz était l´un des hommes de tout premier plan. La sentence de mort par pendaison prononcée par la justice de Nouri el Maliki, sous l´occupation américaine, avec la bénédiction de George Bush, avait offert à Al Qaïda l´occasion rêvée de s´implanter dans ce pays. C´est là l´œuvre la plus tristement spectaculaire du président Bush avec tout ce que cela comporte comme conflits interreligieux et, malheureusement aussi, la chasse aux chrétiens. La montée du sentiment islamophobe en Hollande, en Suisse, en France et en Espagne est en train de parachever l´œuvre de l´ex-président des Etats-Unis : la rupture durable des relations de convivialité entre les religions et les communautés de confessions. La chasse aux chrétiens d´Irak relève de la folie des hommes mais c´est loin d´être un acte isolé du regard que l´Occident jette sur les musulmans.