Qualifiée de manifestation apolitique et spontanée, l'émeute comme mode d'expression adopté depuis quelques années, est devenue une pratique itérative en 2010. Ce ne sont pas uniquement les jeunes chômeurs qui manifestent leur ras-le-bol, des familles entières investissent la rue à chaque fois que leurs doléances n'ont pas d'écho, notamment lors des opérations de relogement. Ces événements, qui font la une des journaux, ne semblent pas préoccuper outre mesure les autorités concernées. Le désarroi sous toutes ses formes est manifesté par toutes les franges de la société. Mais cette situation n'a suscité aucun débat public permettant de cerner les causes et de suggérer des solutions, et ce, bien que tout le monde soit d'accord sur le fait que le phénomène est multidimensionnel. Il ne se passe pas une opération de relogement sans que les citoyens frustrés ne manifestent leur ressentiment en recourant à l'émeute. Cela a été le cas pour la dernière opération de relogement de l'année 2010, à Alger. Bien qu'elle ait touché 466 familles résidant dans des chalets, des bidonvilles et autres habitations précaires de différents quartiers de la capitale, la distribution des logements restera comme un autre épisode de cette confrontation entre des citoyens en colère et les représentants de l'Etat. Les autres régions du pays n'échappent pas à ce phénomène. Ce fut le cas, à différents moments de l'année et selon des proportions inégales, à Ouargla, Annaba, Laghouat, Boumerdès... Même dans les régions du Sud, considérées jusqu'à tout récemment comme paisibles et peu portées sur l'expression sociale bruyante, la violence semble s'ancrer sans pour autant que les spécialistes s'y intéressent. L'indifférence demeure la seule attitude des autorités publiques qui «tolèrent» ces accès de colère comme autant de «soupapes de sécurité», selon l'expression des politiques. Les jeunes réclament le droit au travail, au logement et à l'amélioration de leurs conditions de vie. Ces violences ne reflètent en fait que la réalité d'une population sans représentants pouvant transmettre fidèlement leurs doléances. Le déplacement d'une dizaine de chômeurs de Laghouat jusqu'à la maison de la presse Tahar Djaout, à Alger, pour exprimer leurs revendications, démontre clairement le fossé qui ne cesse de se creuser entre les élus locaux et la population. D'autres jeunes désespérés ont recouru au suicide, cette extrême forme de violence.