Aujourd'hui, la wilaya de Béjaïa ne compte que près de 300 enseignants de Tamazight dans les trois paliers, ce qui ne couvre qu'à peine la moitié des effectifs des élèves. A Béjaïa, la corporation des enseignants de Tamazight ne couvre qu'à peine la moitié des effectifs des élèves. Le déficit en encadrement pédagogique est criard. Pourtant, l'enseignement de cette langue ancestrale accueille incontestablement un vif engouement dans les collèges et lycées. «Pourquoi j'aime Tamazight ? Et bien c'est pour connaître la culture de mes ancêtres», dit fièrement Abderrahmane, 12 ans, élève de 2è année, au collège Mouloud Feraoun d'Akbou. Si ce brillant élève originaire de Aïn Defla parle aisément Tamazight, c'est surtout grâce à l'école. Ses parents étant arabophones, à la maison, on ne parle qu'arabe dialectal. Quinze ans après son introduction dans le système éducatif algérien, au lendemain de la grève du cartable en 1994-1995, et au terme de décennies de hautes luttes citoyennes, l'enseignement de la langue amazigh a, certes, fait du chemin. Mais aujourd'hui, beaucoup reste à faire encore. Tamazight n'est pas encore reconnue officiellement comme langue officielle en Algérie et son enseignement cumule les insuffisances. Toutefois, certains comme Saliha Mehdi, licenciée en langue et culture amazigh et enseignante depuis 8 ans, préfèrent positiver pour mieux avancer. «Le fait que Tamazight soit enseignée est en soi un fait très positif», se félicite-t-elle. Aujourd'hui, tous les enseignants nouvellement recrutés ont une licence en Tamazight sous le bras, décrochée dans l'un des trois départements universitaires de Béjaïa, Bouira ou de Tizi Ouzou. Trois quart des effectifs enseignants ont une licence. Mais les clignotants sont loin d'être tous au vert. L'enseignement de Tamazight cumule les insuffisances: Aujourd'hui, la wilaya de Béjaïa ne compte que près de 300 enseignants de Tamazight dans les trois paliers (primaire, moyen et secondaire). Ce contingent de formateurs ne couvre qu'à peine la moitié des effectifs des élèves. Revendications Le principe de la généralisation à l'ensemble des établissements du primaire aux lycées étant, certes, en ligne de mire, mais la manière de faire est loin d'être plébiscitée. L'enseignement de cette langue suit, en effet, une courbe à deux vitesses. Tahar Aït Saïdi, enseignant de Tamazight, conteste la manière dont est conduite cette généralisation. «Les enseignants sont éparpillés. Il faudra d'abord combler la totalité des besoins du primaire, puis du moyen avant de généraliser cette langue dans tous les lycées», plaide-t-il. Des enseignants regroupés autour de l'association TIDMI, avaient programmé, avant de l'annuler, d'observer, le 26 septembre dernier, un sit-in devant le siège de la Direction de l'Education pour réclamer la satisfaction d'un certain nombre de revendications dont on cite notamment «l'élaboration d'une stratégie de la généralisation de l'enseignement de Tamazight». Droit de cité Dans le meilleur des cas, ceux parmi les élèves qui auront la chance d'accéder à l'enseignement de Tamazight, n'auront cumulé que 9 ans d'études durant tout leur cursus scolaire. Cette langue n'a pas droit de cité dans les épreuves de 5è. Aussi, les associations réclament l'intégration de Tamazight dès la première année primaire. Dans ce dernier palier, certains enseignants assurent des cours dans deux à trois écoles différentes. Autre insuffisance : La wilayade Béjaïa accuse également une carence en inspecteurs en Tamazight. Seul un inspecteur est en fonction alors que la wilaya a besoin de quatre fonctionnaires de ce rang. M. Aït Saïdi relève également une autre faiblesse : «Le gros des textes contenus dans le manuel scolaire est issu d'adaptations de textes d'auteurs étrangers. On aurait aimé qu'il y ait aussi et surtout des textes issus du patrimoine amazigh». Malgré le caractère facultatif imposé par la loi, Tamazight est consacrée matière presque «obligatoire» à Béjaïa comme partout en Kabylie où elle est transcrite en caractères latins. L'enseignement en Kabylie et dans l'Algérois est homogène. M. Aït Saïdi salue le grand rôle joué par le Haut commissariat à l'Amazighité (HCA). «On aurait aimé que le HCA se repenche sur l'enseignement de Tamazight. C'est un excellent et le seul cadre pédagogique qui assurait autrefois la coordination et l'homogénéisation de l'enseignement», dit-il. Mais en l'absence d'une instance académique, la standardisation de tamazight ne pourra aujourd'hui être assurée en dehors des variétés régionales. Tamazight a plus que jamais besoin d'une académie et de centres de recherches susceptibles de normaliser ses mots et leur usage. Car dans la vie quotidienne, les mots empruntés à l'arabe, au français et à l'anglais sont largement employés au grand dam des néologismes amazighs.