Introduit dans le système éducatif en 1995 après la signature des accords du 22 avril de la même année entre les représentants de l'Etat et le mouvement culturel berbère (MCB), qui a exercé une forte pression en observant une grève d'une année qui est d'ailleurs inscrite dans les annales de l'histoire de l'Algérie post-indépendance sous l'appellation “grève du cartable”, l'enseignement de tamazight ne cesse, quinze ans après, de susciter des réactions et des appréciations positives pour les uns et négatives pour les autres. Mais qu'en est-il en 2010 de cet enseignement arraché de haute lutte ? Sur le plan purement quantitatif, il ne faut, certes, pas être un comptable pour constater l'évolution positive de l'enseignement de tamazight dans la wilaya de Tizi Ouzou. Si dans la majorité des 16 wilayas-pilotes, choisies pour l'introduction de tamazight en 1995, dont El-Bayadh, Ghardaïa, Oum El-Bouaghi, Illizi, Tipasa et Oran, le centre national pédagogique et linguistique pour l'enseignement de tamazight (CNPLET) a relevé, dans son bulletin d'information publié en décembre 2009, que “l'intérêt suscité à l'égard de cet enseignement au début a diminué, et après un temps assez court, il s'est éteint entièrement”, dans la wilaya de Tizi Ouzou, l'enseignement de cette langue, qui a été depuis Avril 80, et même avant, au centre des revendications du mouvement culturel berbère, a enregistré des avancées considérables bien que toujours insuffisantes pour le qualifier de succès. Assuré par 80 enseignants à son introduction à l'école en 1995, et par 200 enseignants en 2007, l'enseignement de tamazight est aujourd'hui dispensé par 653 enseignants dans les cycles primaire, moyen et secondaire. 109 postes budgétaires ont été ouverts rien que durant cette année scolaire en cours. Selon les détails fournis par le directeur de l'éducation de la wilaya, l'enseignement de tamazight est assuré dans 600 écoles primaires sur les 650 existantes, dans 123 CEM sur les 170 existants, et dans 37 lycées sur les 55 existants dans la wilaya de Tizi Ouzou. Avec les nouvelles prévisions d'ouverture de postes budgétaires, a-t-il ajouté, ces chiffres sont appelés à être revus à la hausse à la rentrée prochaine, 2010-2011 pour atteindre ainsi 613 écoles primaires, 135 CEM et 55, soit 100% des lycées de la wilaya de Tizi Ouzou. “Un pas important dans la généralisation de l'enseignement de tamazight sera ainsi accompli”, dira le directeur de l'éducation non sans rappeler aussi que 4 postes d'inspecteurs en tamazight ont été ouverts, qui s'ajoutent aux trois autres. Parmi les acquis dans l'enseignement de tamazight, le même responsable rappelle aussi l'augmentation du volume horaire qui est à présent de 3 heures par semaine, du caractère obligatoire de son enseignement, le règlement du problème du manuel scolaire, de l'importance du coefficient de cette langue dans les examens, puisqu'il est de 2, et aussi de la création d'un bureau d'inspection pour tamazight. Si ces chiffres sont de nature à réjouir, l'enseignement de tamazight demeure confronté à une multitude de problèmes, parmi lesquels la transcription des caractères occupe une place prépondérante. Dans un document rendu public justement à l'occasion de la célébration, récemment, du 20e anniversaire de l'ouverture du département de langue et culture amazighes de l'université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou, le comité dudit département a expliqué que “si Mouloud Mammeri, avec son cercle de chercheurs et d'étudiants, ont adopté la graphie latine pour tamazight dans l'objectif de lui donner une allure moins archaïque, et donc plus moderne, encore une fois, les idéologues arabo-baâthistes rebroussent chemin avec la graphie arabe avec comme objectif de faire récupérer et neutraliser les langue et culture amazighes au profit de la culture arabe. Et cette graphie qu'on veut imposer aux gens n'est qu'une autre manière de falsification visant à ne pas faire de tamazight une langue de travail”. Le même comité relève également le manque de spécialistes dans les recherches, le manque d'encadrement dans la formation des étudiants, et aussi la conception antipédagogique de certains ouvrages scolaires. Un avis que partage un enseignant de tamazight en fonction depuis l'introduction de cette langue dans l'éducation, soit depuis 1995. “Trancher la question de la graphie de tamazight est très important, mais nous savons à l'avance que c'est une question politique”, dira-t-il. Tout en soulignant l'insuffisance de formation des formateurs en tamazight, cet enseignant déplore également le retour, imposé par certains inspecteurs de tamazight qu'il qualifie de “promotion Bouteflika”, aux vieilles méthodes d'enseignement, abandonnant ainsi la pédagogie de projet et ignorant du coup l'approche par la compétence qui est pourtant préconisée par le ministère de l'Education. “On a pris part à plusieurs reprises à des stages organisés en collaboration avec l'Université Paris VIII au sujet de la pédagogie de projet et d'enseignement de la littérature, mais finalement tout est tombé à l'eau à Tizi Ouzou”, dira le même enseignant, tout en ajoutant qu'à Béjaïa, les stages se sont poursuivis pour aboutir à la création d'un centre de recherche pédagogique de tamazight avec la même université française. C'est dire alors que si sur le plan quantitatif, l'enseignement de tamazight a enregistré des avancées, sur le plan qualitatif, beaucoup de questions nécessitent encore une réelle prise en charge.