Le septième art égyptien est traversé par un nouveau courant. Le succès de Microphone du jeune Ahmed Abdallah Essaied, projeté dernièrement au 4e Festival international du film arabe d'Oran (Fifao), qui s'est déroulé du 16 au 23 décembre, est la parfaite illustration de cette nouvelle tendance. Elle est marquée par le traitement de thèmes sérieux, parfois lourds et délicats, dans un habit léger, sarcastique. «Dans mon pays, il y a aujourd'hui plus de liberté pour parler des sujets tabous. J'ai ainsi pu jouer dans un téléfilm sur le viol, qui a été diffusé durant le Ramadhan. Je pense que c'est le film le plus réussi de ma carrière», a déclaré récemment l'actrice Yousra. «Ce courant a commencé avec le film de Brahim Battout, In Chams. Il a été suivi par Ahmed Abdallah avec son long métrage Heliopolis et par Ahmed Rachouane avec Basrah. Des films tournés en digital sans nécessité de passer par les grands studios et sans s'appuyer sur de grands producteurs», nous a expliqué Safaâ Al Leithi, secrétaire générale de l'Association des critiques de cinéma égyptiens, invitée au Fifao. Selon elle, les films en digital (numérique) sont ensuite transformés en 35 mm. Ces nouveaux réalisateurs ne font pas forcément appel à des stars du grand écran et s'adressent principalement aux jeunes qui, comme en Algérie, sont majoritaires en Egypte. «Ils abordent des thèmes tabous tels que la harcèlement sexuel à l'encontre des femmes. Malgré leur popularité, ‘les nouveaux comiques', comme on les appelle en Egypte, perdent le terrain», a-t-elle observé. Il s'agit, entre autres, de Mohamed Saâd (Karkar, Lemby, Bouha), et de Mohamed Hinidi (Sayidi fil Jamia al Amrikiya, Jawazt Siniya). «Adel Imam a changé d'attitude comme cela apparaît dans son dernier film Azaheimer. Un long métrage plus social et moins comique. Il me semble que ce changement a été imposé par la nouvelle génération de cinéastes. Cela est positif car les films s'adressent à un public plus large», a remarqué Safaâ Al Leithi. Pour évoluer, l'industrie cinématographique a, d'après elle, besoin de gagner toujours en audience. «Faire des films pour gagner des prix aux festivals est contre-productif. La réussite des jeunes réalisateurs renforce le septième art égyptien et le cinéma arabe en général. Cela dit, il existe toujours un problème de distribution. Le film In Chems a souffert du manque de copies», a-t-elle noté. Le cinéma classique n'a toutefois pas baissé les bras. Rassail bahr (lettres de la mer) de Daoud Abdelsayed et Ihki Ya Chahrazad de Yousri Nasrallah – qui a donné un sérieux coup de main à Ahmed Abdallah Essaied dans Microphone – connaissent un immense succès public et critique. Idem pour 6, 7, 8 de Mohamed Diab. «Il n'existe plus de cinéma dominant. Comme il n'existe plus de frontières entre les films grand public et ceux destinés aux festivals. En Egypte, en dépit de l'importante commercialisation des DVD, les salles de cinéma connaissent toujours de l'affluence. Le Ramadhan est le seul mois qui connaisse une baisse d'activité», souligne Safaâ Al Leithi. Elle illustre son propos par le dernier Panorama du film européen qui a connu un grand succès au Caire.