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«Je défends le cinéma indépendant»
KHALED ABOU NAGA, PRODUCTEUR ET COMEDIEN EGYPTIEN, À L'EXPRESSION
Publié dans L'Expression le 28 - 12 - 2010

Il est jeune, beau et intelligent. Il représente la nouvelle figure du cinéma égyptien moderne. Sa venue au Festival du film arabe d'Oran (du 16 au 23 décembre) a créé l'événement.
Il nous parle ici de son dernier film Microphone et de ses projets.
L'Expression: En tant que producteur et comédien dans Microphone, film qui sort de l'ordinaire, pourriez-vous nous parler du cinéma indépendant égyptien?
Khaled Abou Naga: Il y a un réel mouvement du cinéma indépendant en Egypte. Un film comme Un zero en fait partie du point de vue du sujet et la manière d'aborder et de le réaliser et même l'interprétation était différente de ce qu'on connaît habituellement dans le cinéma arabe et plus particulièrement en Egypte.
Le film a été réalisé par Kamla Abou Dekri d'après le scénario de Mériem Naoum. A la distribution, il y avait moi, mais aussi Ilhem Chahine, Ahmed Fichaoui et bien d'autres. Cela relevait du cinéma indépendant, car il différait beaucoup du cinéma dominant. Ce fut une aventure de se lancer dans ce genre de films qui est loin de correspondre à ceux du cinéma commercial.
Je peux citer aussi le film Héliopolis d'Ahmed Abdallah, le film Hawi d'Ibrahim El Batout qui s'est distingué lors du Festival de Doha Tribeka, le film Microphone également, d'Ahmed Abdallah qui s'est aussi distingué lors du Festival de Toronto, à Dubaï en recevant le Prix du meilleur montage, en obtenant le Grand Prix aussi au Caire et le Tanit d'Or aux JCC 2010.
Nous allons bientôt nous rendre à des festivals aux USA, en Australie et en Inde. Cela veut dire que le film est reconnu dans le monde. Ce mouvement du cinéma indépendant est devenu véritablement clair et tangible avec une réelle dynamique et visibilité que des jeunes présentent, loin des pressions commerciales, des films d'action et des comédies qu'on connaît tous et très répandues habituellement en Egypte. Avec tout mon respect pour ce genre de cinéma pour lequel je travaille parfois, car c'est lui qui fait tout de même tourner la machine industrielle du cinéma en Egypte, il est bon de découvrir de nouveaux talents et créer de nouvelles voix dans le cadre de cette forme de cinéma de substitution indépendante. C'est un cinéma qui mérite beaucoup de respect, car il n'y a pas un film égyptien qui se rend aujourd'hui dans les festivals sans qu'il n'appartienne à cette mouvance indépendante, cultivée, au fait des réalités sociales dans le monde qui diffère de l'autre cinéma qui, hélas, le public s'est trop habitué à lui. Je suis un des défenseurs de ce cinéma indépendant
Le public est-il friand de ce genre de cinéma?
Ceci est une question importante: où va ce cinéma? Est-il distribué seulement dans les festivals et dans quelques projections seulement? C'est une question très importante car, au final, on ne peut juger que quand le cinéma va à la rencontre du public et celui-ci paie son ticket pour aller le voir. Le cinéma est celui qui est projeté sur grand et petit écran.
Le film Héliopolis nous a donné une belle leçon, car le distributeur du film n'avait pas pensé à bien le distribuer dans les salles de cinéma. Pour Microphone, nous avons décidé bien avant le tournage de signer un contrat avec un distributeur afin d'avoir une forte distribution du film dans les salles. Je parie que le film aura un grand succès populaire en Egypte, car c'est un film authentique qui porte sur la jeunesse et la musique, des facteurs qui pourront lui assurer ce succès. Je pense que le public commence à se lasser du cinéma classique dominant qui est devenu un cliché. Cela arrive souvent dans le monde où, à force de répétition, des jeunes arrivent pour révolutionner les choses et apporter du changement.
Je pense que ces nouvelles têtes d'affiche existent chez nous et cela constitue un réel passage d'examen via un public assoiffé de ce genre de cinéma. Nous attendons avec patience la sortie officielle du film Microphone en février et ce sera pour la première fois qu'un film du genre indépendant sera distribué largement en Egypte.
Pour ce faire, une grande campagne de promotion est en train de se faire.
C'est le seul moment où on pourra juger de l'efficacité d'un film quand il rencontrera son public. En tant que producteur, nous avons décidé de mettre le paquet.
Comment est née l'idée du film Microphone?
Cela a commencé avec l'idée de faire un documentaire sur un phénomène précis qui prévaut dans la ville d'Alexandrie. Nous avons ressenti le besoin de parler de ces musiciens qui évoluent dans des garages, ou d'autres endroits insolites sans attendre de subvention de l'Etat. Des artistes qui ne demandent même pas un studio, mais arrivent à se débrouiller. Avec les moyens technologiques, ils arrivent à enregistrer leur musique et faire des graffitis dans les murs etc. C'est là un mouvement artistique indépendant.
On devait donc faire, au départ, un documentaire mais le sujet s'est développé et a poussé comme une plante en prenant forme sous le nom de Microphone. Il s'agit d'une voix qu'on donne à ces artistes afin de les entendre.
Comment avez-vous repéré ces artistes?
C'est la raison pour laquelle nous avons fait ce film. Nous avons été surpris par le nombre impressionnant de ces artistes underground qui méritent réellement qu'on en parle. On les a découverts par hasard. L'un nous faisait rencontrer l'autre. Car c'est un mouvement underground.
Même leurs familles ne sont pas au courant de ce qu'ils font. Des filles, qui animent des concerts à l'étranger, le font masquées à Alexandrie. Leurs familles sont très conservatrices. On voulait vraiment parler d'eux.
Parlez-nous du concert qui n'a finalement pas été donné dans le film ni dans la réalité?
Nous avons fini par organiser ce concert au Festival du Caire et au Festival de Dubaï. Quand le film sortira en Egypte dans les salles, nous comptons également organiser ce concert. Car le film prend tout son sens par l'accomplissement de ce concert comme un devoir rendu à ces artistes et ce, en achetant votre ticket pour aller les écouter et les encourager.
Le montage du film et son rythme paraissent un peu saccadés comme l'est la musique hip-hop, très original...
C'est un nouveau langage cinématographique, peut-être que le public n'y est pas très habitué, mais je pense qu'il va l'apprécier. La manière de filmer et de monter est très proche de ce qu'on voit dans le monde. C'est très jeune comme procédé, mais il est propre à Ahmed Abdallah. Il a sa touche depuis son premier film Héliopolis à Microphone. Il a une façon de filmer qui se rapproche du documentaire.
On a toujours cette impression que la caméra n'est pas là, elle est cachée. Elle court après les événements. Elle ne sait jamais ce qu'elle va filmer et ce qui va arriver l'instant d'après. Celui qui filmait était réellement surpris par les séquences à prendre.
C'est fait exprès, car le film possède l'âme d'un documentaire. Les événements arrivaient sans que la caméra sache ce qui se passe autour.
Comment est venue aussi l'idée de faire un film à l'intérieur du film?
C'est une histoire vraie. Il existe réellement des jeunes qui font des films à Alexandrie. Sauf que leur rôle a été interprété par des comédiens. Vous trouverez à Alexandrie beaucoup de jeunes qui tourment des films, des jeunes issus de l'Ecole jésuite qui forme dans le cinéma. Beaucoup de réalisateurs y vont pour animer des conférences à l'image de Yousri Nasrallah. Beaucoup de ces jeunes font des courts métrages et possèdent une grande culture artistique.
Quels sont vos projets?
Mon prochain projet s'intitule Bossi. Tout a commencé par une pièce de théâtre faite par des filles sur la répression des femmes, leurs préoccupations et problèmes sociaux, le hijab, le harcèlement sexuel, etc. Tout ce qui touche à la vie de la femme arabe et comment elle le raconte.
Cela est né à la suite d'une information qui remonte à cinq ans sur une histoire vraie qu'une fille a honte de raconter à sa famille ou amis. Ces filles ont écrit beaucoup d'histoires. Puis les garçons se sont mis à écrire. Ces documents sont devenus très importants qui témoignent des cassures et soucis de la société égyptienne. Ces textes ont été adaptés sous forme de monologues-lectures. J'ai vu la pièce, elle m'a beaucoup plus.
En la filmant nous en sommes tombés amoureux et on s'est demandé pourquoi ces filles et garçons font cela?
Prendre le pouls d'une société en faisant ancrage sur son époque, s'avère être très important pour notre mémoire, car ce sont toutes des lettres écrites réellement par des jeunes. C'est de là que l'idée de faire un film sur ceux qui font la pièce a germé. Il y aura une pièce de théâtre à l'intérieur du film, cette fois-ci. C'est moi qui produirai le film.
L'écriture du scénario sera collective. Il sera réalisé par Mohamed Hifdi. Le film sera joué par de nouveaux talents. Des têtes d'affiche plus connues assisteront à la pièce comme ce fut le cas pour moi. Des stars viendront aussi assister à cette pièce à l'intérieur du film.


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