Ses pourfendeurs lui ont trouvé un sobriquet sur mesure : «Zinochet». Officiellement âgé de 75 ans, le président Ben Ali affiche déjà une longévité record de 24 ans à la tête du pouvoir tunisien après le fameux «coup d'Etat médical» orchestré contre Habib Bourguiba le 7 novembre 1987. Confronté aujourd'hui à un violent séisme politico-social, il est apparu deux fois à la télévision officielle cette semaine pour accabler les émeutiers de Sidi Bouzid et de Kasserine dans la pire langue de bois. Il faut dire que la rhétorique n'est pas son fort, lui qui a fait ses classes dans la sécurité militaire et la police. Sa fulgurante ascension dans les arcanes du pouvoir tunisien, Zine El Abidine Ben Ali la doit à ses débuts dans le corps de la sécurité militaire. Il est vite nommé à la tête de la direction de la sécurité militaire qu'il dirige de 1964 à 1974. L'homme va fourbir ses armes dans les coulisses du ministère de la Défense avant d'hériter de la Sûreté nationale. La voie royale pour devenir ministre de l'Intérieur en 1986. L'année d'après, il est désigné Premier ministre et rafle en même temps le poste de secrétaire général du PSD qui deviendra le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD). Dans la foulée, il fait déposer Bourguiba, officiellement pour «sénilité». Et l'ère Ben Ali de commencer. Un grand challenge pour le jeune président. Ben Ali a alors tout juste 51 ans. Un challenge d'autant plus délicat qu'il s'agit de déboulonner trente et un ans de «bourguibisme». Sans parler de la différence de gabarit politique et de charisme entre le patriarche gâteux et son successeur dodu à la bouille empâtée. Si une certaine ouverture politique a marqué les premières années de Ben Ali, avec notamment l'instauration d'un multipartisme de façade, très vite la Tunisie est rattrapée par les démons de l'autocratie. Les espoirs qu'auraient pu susciter sa présidence volaient déjà en éclats. Ben Ali cumulera les mandats et se dirige d'un pas ferme vers la présidence à vie : 1994, 1999, 2004 et 2009. Après le «bourguibisme», le «benalisme». Et Zine El Abidine devient «Zinochet». Le «monarque» de Carthage se dote d'une Constitution sur mesure qui lui garantit tous les pouvoirs. Sur le plan privé, son alliance en secondes noces avec Leila Trabelssi donne lieu à un véritable pouvoir dynastique à l'ombre duquel les Trabelssi vont tisser un immense empire financier fondé sur la corruption et la rapine d'Etat. Ben Ali tente tout de même de se rattraper sur le modèle économique en échafaudant un libéralisme efficace qui a largement contribué à donner de la Tunisie cette image folklorique de «douce dictature touristique» où il ferait bon vivre. Mais cela ne pouvait durer. Les flagrantes atteintes aux droits de l'homme, à la liberté de la presse et les dérives totalitaires d'un régime résolument policier ne pouvaient garantir indéfiniment à «Zinochet» des mandats doucereux au Palais de Carthage.