Tout en jouant la carte de l'apaisement, les autorités comptent punir sévèrement les auteurs de ce qui est qualifié d'«actes criminels». Les personnes arrêtées lors des dernières émeutes qui ont secoué le pays continuent d'être présentées devant les tribunaux. Pour le troisième jour successif, des dizaines de personnes sont passées devant le procureur de la République territorialement compétent. Comme l'a promis le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Daho Ould Kablia, les mineurs ont été remis en liberté ; pour les autres, c'est selon leurs dossiers. Certains ont été mis sous mandat de dépôt, d'autres sous contrôle judiciaire. Attroupement illicite, destruction de biens publics et privés, obstruction de la voie publique, vol, vol qualifié, outrage à l'agent de l'ordre public, agression à l'arme blanche, incendie volontaire, atteinte à l'ordre public… sont autant de chefs d'inculpation qui ont été retenus contre eux. Des chefs d'inculpation qui reviennent cycliquement quand il s'agit d'affaires liées aux émeutes. Il y a cependant des charges plus lourdes, comme «constitution de bande de malfaiteurs», retenues contre les individus impliqués dans des opérations de saccage et de pillage qui auraient été arrêtés la main dans le sac. Dans ce cas de figure, les accusés risquent de lourdes peines, nous explique maître Salah Hanoune. Jusqu'à hier, la procédure judiciaire suivait son cours, dans le calme. Au tribunal de Chéraga, à l'ouest d'Alger, des dizaines de jeunes sont passés devant le procureur de la République. Certains ont été mis sous mandat de dépôt pour, notamment, «vol qualifié» et «destruction de bien d'autrui». Les séances se font dans un climat plutôt détendu, comme en témoigne Me Hanoune, présent sur place. Les militants politiques et défenseurs des libertés, comme Hamid Ferhi, ont été remis en liberté. Me Hanoune précise que le procureur de la République avait déclaré qu'il ne retenait aucune charge contre eux. Des procédures qui risquent de durer Ce qu'on peut considérer comme un signe de détente, d'apaisement. Mais d'un autre côté, il y a les personnes mises sous mandat de dépôt dont la procédure risque de durer des semaines. «Le juge d'instruction vient d'être désigné et peut demander des enquêtes complémentaires. Normalement, ils devraient être jugés dans un mois et demi, mais rien n'est encore sûr», souligne une avocate qui dit avoir trois clients, deux jeunes arrêtés à El Qaria, dans la commune de Zéralda. Comme à Chéraga, un calme plat régnait hier après-midi au tribunal Abane Ramdane où quelques jeunes ont été déférés devant le procureur. Hormis quelques avocats munis de leurs dossiers, le tribunal était quasi vide. Même constat au tribunal de Bir Mourad Raïs et à celui de Hussein Dey. Sur place, ni famille des prévenus ni mobilisation citoyenne pour leur libération. A Alger comme ailleurs, les familles des accusés attendent, impuissantes, le jugement et le verdict des tribunaux. Mais la justice semble décidée à prendre son temps. Histoire, peut-être, de calmer les esprits et de laisser les choses se tasser. Le gouvernement reste cependant décidé à punir les responsables des actes de vandalisme. Ceux dont l'implication dans des actes d'agression, de pillage et de saccage est prouvée seraient ainsi sévèrement punis. «Les actes criminels ne sauraient être impunis», a déclaré, samedi dernier, le ministre de l'Intérieur, qui promet de sévir face aux auteurs de ce qu'il a qualifié d'actes obéissant à des «instincts revanchards». Pour remettre de l'ordre, les pouvoirs publics ont besoin de quelques procès exemplaires. En tout cas, la machine judiciaire est bel et bien mise en branle. Et au nom de la justice, certains prévenus risquent de se faire broyer…