Au Vingt-cinquième jour des manifestations qui ont dégénéré en émeutes et affrontements jeunes/policiers dans toutes les villes tunisiennes, y compris les «touristiques» Bizerte et Sousse, le président Zine El Abidine Ben Ali lâche du lest pour désamorcer la crise, la plus grave depuis les émeutes du pain de 1984. Le successeur de Habib Bourguiba au Palais de Carthage ordonne à Mohamed Ghannouchi, son Premier ministre, de, nommer Ahmed Friaa, 59 ans, comme ministre de l'Intérieur à la place de Rafik Haj Kacem, 61 ans, examiner les dépassements « enregistrés lors de ces évènements, créer deux commissions, l'une pour enquêter sur les excès commis « durant ces incidents», l'autre sur les actes de corruption commis par certains responsables que dénoncent opposition et ONG, libérer toutes les personnes arrêtées depuis l'immolation Mohamed Bouazizi, 26 ans, pour protester contre la le chômage et la cherté de la vie, « à l'exception de ceux dont l'implication dans les actes de violence graves, de dégradation préméditée et d'incendie des biens, aura été prouvée par les informations judiciaires ». Le ministère tunisien de l'Intérieur a décrété, hier, un couvre-feu nocturne dans la capitale et sa banlieue à la suite de troubles dans "certains quartiers", indique un communiqué officiel.Ces mesures après son engagement à créer 300.000 emplois d'ici 2012 et la tenue, en février prochain, d'une conférence nationale pour traiter des préoccupations de toutes les catégories sociales, sont-elles « à la hauteur de la crise politique, économique et sociale » qui secoue le pays ? La plupart des partis d'opposition et des organisations non-gouvernementales sont sceptiques. Pour eux, ces mesures, accompagnées d'un déploiement massif de l'armée dans la capitale et du remplacement du chef d'état-major de l'armée de terre, le général Rachid Ammar qui aurait exprimé des réserves sur l'usage de la force, par le chef des renseignements militaires Ahmed Chbir, sont peu appropriées. A preuve, ils citent la poursuite des émeutes dans le centre de Tunis et l'usage par les manifestants de slogans politiques. Selon eux, ces mesures « tardives » visent à calmer une rue qui, en constatant que son mouvement de contestation a fait 25 morts officiellement, plus de 50, selon les associations de défense des droits de l'Homme, revoit à la hausse ses exigences. Les « émeutiers » qui ont été présentés un moment comme des auteurs d'« actes terroristes » et puis comme « instruments » des extrémistes, appellent à la « démission du gouvernement ». Les plus « politisés » d'entre eux, à la formation d'un « gouvernement de salut national » et à un grand «débat national» pour «renouveler le personnel politique». L'ONU appelle à des enquêtes indépendantes sur ces émeutes. La Haut commissaire aux droits de l'homme de l'ONU, Navy Pillay appelle le gouvernement tunisien à mener des enquêtes «indépendantes crédibles». Hillary Clinton, la secrétaire d'Etat américaine, s'inquiète. Dans une interview à la chaîne Al-Arabiya, elle déclare : nous espérons qu'il y aura une solution pacifique. La porte-parole de la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton condamne l'usage « disproportionné » de la force. « Cette violence est inacceptable, les auteurs doivent être identifiés et traduits en justice » dit-elle.