Pour la première fois, le président de la République n'a pas débordé de son discours lors de l'ouverture, hier, de l'année judiciaire, au siège de la Cour suprême, en présence des membres du gouvernement, des magistrats et de la société civile. En quelques phrases seulement, il a parlé des textes d'application de la charte pour la paix, qui, selon lui, incombent en premier lieu aux magistrats. Il a répété à trois reprises que ces dispositions sont inévitables. « C'est à l'institution judiciaire que revient l'honneur d'avoir à mettre en œuvre l'essentiel des mesures découlant de la charte pour la paix et la réconciliation nationale, approuvée souverainement par le peuple algérien. Dans ce cadre, il convient pour la justice de mettre en application les dispositions de la charte en respectant leur esprit et avec la célérité nécessaire pour concrétiser rapidement la volonté populaire de tourner la page de cette phase douloureuse de notre histoire et aborder l'avenir sous d'autres auspices, dans la sécurité et avec optimisme, espoir et assurance. » Les traits tirés, la voix éteinte, le Président est, pour la première fois, apparu très fatigué, perdant parfois le fil de ses idées. Il a mis l'accent sur le phénomène du banditisme, qui, selon lui, a pris des proportions très graves dans notre pays. Il a déclaré, à trois reprises, « inacceptable que l'Algérie quitte le terrorisme pour sombrer dans une autre forme de terrorisme ». « Le banditisme est une préoccupation majeure que la justice doit prendre en charge. La justice doit se mobiliser, car il s'agit là de garantir la quiétude des citoyens, la sécurité de leurs personnes et de leurs biens. Ce phénomène du banditisme a connu une recrudescence à l'ombre des désordres induits par la situation d'insécurité que nous avons vécue et il doit être combattu avec la plus grande rigueur... ». Le premier magistrat du pays a néanmoins reconnu que la politique répressive doit être naturellement accompagnée de mesures sociales en faveur notamment de l'emploi des jeunes, car, a-t-il avoué, « le désœuvrement de la jeunesse est à la base de bien des maux de notre société ». « Les quelques problèmes que j'ai évoqués montrent à la fois l'ampleur de la tâche qui relève de nos institutions judiciaires et l'importance du rôle que le système judiciaire est appelé à jouer pour assurer à notre peuple la paix sociale et la sécurité nécessaires au bon fonctionnement de toutes les institutions de l'Etat. » Comme chaque année, le Président est revenu sur le phénomène de la corruption et des biens mal acquis. Il a interpellé les magistrats en disant : « La justice et la magistrature constituent pour moi une préoccupation lancinante tant que la culture du droit n'est pas ancrée dans notre pays, aussi bien chez le gouvernant que chez le gouverné. J'entends par culture du droit, l'intégrité qui doit caractériser les responsables, quels que soient leur degré de responsabilité, de manière à ne pas utiliser leurs postes à des fins personnelles au détriment de l'intérêt général ou dans le but d'obtenir des privilèges non mérités, voire couvrir, par leur influence, des actes punis par la loi, comme l'accaparement des deniers publics et des biens de l'Etat... » Il a appelé la justice à faire preuve de fermeté à l'égard de ces personnes et estimé que « les dépassements dont elles se rendraient coupables constituent une menace pour la paix sociale, car pouvant être à l'origine du mécontentement du citoyen, le poussent au désespoir et nuisent à la relation de confiance qui doit exister entre celui-ci et l'Etat. J'entends par la culture du droit, la probité dans les actes et les comportements qui doivent être exemplaires dans l'accomplissement du devoir noble de citoyenneté. Point d'abus, point d'injustice. Le droit doit être le droit et seulement le droit... ». Pour conclure, M. Bouteflika a appelé les magistrats « à un plus grand apport, vous qui avez prêté serment de contribuer à la consécration d'une justice défendant les droits des faibles et des ayants droit en toutes circonstances, un serment qui se veut le fondement inébranlable de la gouvernance clairvoyante, la préservation des droits des citoyens et de leur égalité devant la loi ». Ajoutant plus loin « qu'il s'agit aussi de faire de la loi un instrument consacrant la justice et bannissant les iniquités et non une source de complainte et de préjudice aux intérêts des justiciables... » Ce sont là les principaux axes que le président de la République a développé tout au long de son discours, bien sûr en n'omettant pas de mettre en relief les efforts consentis pour la réforme judiciaire. Il a également fait état des difficultés rencontrées en matière d'application des décisions de justice en affirmant : « L'institution judiciaire a pris conscience de la difficulté d'exécution de certaines de ses décisions, et la mise en application de la réforme devrait améliorer la situation dans ce domaine. Il appartient à l'administration judiciaire, en relation avec les autres institutions concernées, de prendre les dispositions requises et de mettre en place les mécanismes propres à assurer l'exécution efficace des décisions de justice. » Le Président a enfin annoncé que le gouvernement va prendre les mesures nécessaires pour augmenter de moitié, et à l'horizon 2009, les effectifs de l'institution judiciaire. Une mesure qui, selon lui, doit s'accompagner du relèvement du niveau de qualification des magistrats et des auxiliaires de justice, notamment par la reconsidération des conditions de leur formation.