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«Nous exigeons l'envoi d'une commission d'enquête internationale» Souhayr Belhassen. Présidente de la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH)
Face à la dégradation de la situation, la présidente de la FIDH, Mme Souhayr Belhassen, d'origine tunisienne, a lancé un appel pour l'envoi d'une commission d'enquête internationale en Tunisie pour mener des enquêtes sur la répression sauvage qui s'abat sur les Tunisiens depuis un mois. Dans cet entretien, la présidente de la FIDH a appelé également à la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil des droits de l'homme de l'ONU ainsi que l'envoi des experts des Nations unies travaillant sur les exécutions sommaires. - La Tunisie s'est installée dans une situation d'instabilité politique depuis un mois. Avez-vous des informations précises sur le bilan humain et sur le climat politique qui prévaut en Tunisie ? Sans faire dans la comptabilité macabre, le bilan est, malheureusement, très lourd. Nous avons en tant que FIDH recensé 35 morts, mais entre-temps le bilan s'est alourdi. Les informations qui nous parviennent de Tunisie sont affolantes. Il est difficile de faire un bilan exact dès lors que dans les différents gouvernorats, on avance des chiffres mais tout cela reste à vérifier. Les autres organisations, partis d'opposition et syndicats parlent de cinquante personnes tuées. Les informations qui nous parviennent via des familles, de la Ligue tunisienne des droits de l'homme, des syndicats, celui de la santé notamment, ne sont pas pour rassurer. La capitale est une ville morte, les cafés, restaurants et magasins sont fermés.La confusion règne à Tunis, ce qui rend plus difficile notre travail en matière de recensement des victimes. Comme vous savez aussi, l'armée a pris position depuis mardi soir dans la capitale suite aux affrontements qui ont gagné Tunis. Dans les autres villes du pays, la situation est aussi difficile, car comme la ville de Kasserine qui a connu de violents affrontements, elle est totalement isolée, donc il est extrêmement impossible d'avoir des informations fiables.
- Le président Ben Ali a fait appel à l'armée pour le contrôle de la capitale, pensez-vous que l'affrontement entre civils et militaires soit inévitable ? J'espère que cela ne va pas arriver, cela étant dit, nous craignons l'affrontement entre l'armée et les manifestants. Il faut éviter par tous les moyens que cela se produise. Ce que nous souhaitons, c'est d'aller vers l'apaisement et que les affrontements cessent le plus tôt possible. Ce que, par contre, nous réclamons en tant que Fédération internationale des droits de l'homme, c'est l'envoi d'une commission d'enquête internationale en Tunisie pour enquêter sur la répression qui s'est abattue contre des civils tunisiens. Et face à la répression sanglante qui se poursuit, l'usage disproportionné de la force et les tirs à balles réelles contre des manifestants, nous demandons aussi la tenue d'une réunion urgente du Conseil des droits de l'homme des Nations unies. Nous nous adressons aussi à l'Organisation des Nations unies pour qu'elle envoie des experts sur les exécutions sommaires et d'autres experts qui travaillent sur les questions de la liberté d'expression. - Comment expliquer l'ampleur de la violence avec laquelle le pouvoir a géré ces événements. Son pouvoir est-il sérieusement menacé ? Parce que tout simplement le régime est sérieusement déstabilisé par cette révolte qui s'est dressée contre un pouvoir vieillissant, corrompu qui a verrouillé le champ politique depuis 23 ans. La marmite a fini par exploser. - Sommes-nous dans une situation révolutionnaire en Tunisie ? Ce qui est sûr, c'est que nous sommes face à une situation très difficile où on a l'impression que le pouvoir n'a plus la maîtrise. Ni la répression sanglante, ni les discours de Ben Ali, ni les menaces n'ont arrêté les manifestants qui contestent ouvertement le régime.
- Quelle est votre appréciation de l'attitude de l'Occident par rapport à ce qui se passe en Tunisie? Elle n'est pas à la hauteur des évènements. On a vu la réaction de Ban Ki moon qui a appelé à la retenue. L'Union européenne par le biais de la ministre des Affaires étrangères, Mme Ashton a déploré et a dit sa tristesse par rapport à ce qui se passe en Tunisie. Elle a recommandé la retenue. On est vraiment loin des ses positions quand il s'agissait de la Biélorussie, lors des élections présidentielles, où elle a fermement condamné… Alors que la situation est très grave en Tunisie, elle s'est contentée de déplorer ! Je profite de l'occasion pour réaffirmer notre demande de suspension des négociations de l'Union européenne avec la Tunisie sur le statut avancé. Quant à l'attitude de la France, elle s'est montrée vraiment scandaleuse. J'ai suivi les déclarations du ministre de la Culture, Frédéric Miterrand, qui est un ami de la Tunisie, du ministre de l'Agriculture, Bruno Le Maire, et ensuite de la ministre des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, qui s'est félicitée de la coopération entre la France et la Tunisie. Elle a proposé d'envoyer la police française pour former la police tunisienne aux techniques de maintien de l'ordre. Il est absolument aberrant qu'un ministre des Affaires étrangères s'exprime de la sorte. Ben Ali est un général et un ancien ministre de l'Intérieur qui maîtrise parfaitement les techniques de maintien de l'ordre. La Tunisie a besoin par contre de ses pays amis des positions audibles qui dénoncent la répression et une voix dissuasive et incitatrice pour que l'avenir soit préservé. - La fin du règne de Ben Ali a-t-elle commencé en Tunisie ? Ce qui est certain, en Tunisie, c'est que désormais, il y a un avant-Sidi Bouzid et un après-Sidi Bouzid. On ne peut plus continuer à vivre dans cette situation, surtout avec autant de morts. Les choses doivent changer en Tunisie et les Tunisiens le font savoir de manière claire.