La rue est plus forte que le régime. Ben Ali est chassé du pouvoir par une révolte populaire inédite dans le monde arabe. Aussitôt parti, son Premier ministre s'est autoproclamé président par intérim. Pour l'avocat et militant des droits de l'homme, Raouf Ayadi parle «d'une violation de la Constitution» et la prise du pouvoir par Mohammed Ghannouchi «est un scénario élaboré par ce qui reste des cercles du pouvoir dans la précipitation». - Le Premier ministre a annoncé le retrait provisoire de Ben Ali du pouvoir et assure l'intérim. La Constitution a-t-elle prévu ce cas de figure ? C'est une violation de la Constitution, qui dit qu'en cas de vacation de pouvoir, c'est le président de la Chambre des députés qui assure l'intérim pendant soixante jours avant d'organiser une élection présidentielle. Seulement, voilà qu'on nous sort un nouveau scénario. Dans la précipitation, parce que le président de la Chambre des députés, comme Ben Ali, symbolise la tyrannie, donc on a préféré le Premier ministre, qui est un technocrate, pour gérer les affaires dans l'urgence. Il s'est autoproclamé président par intérim, mais, je dois dire que cela ne va pas durer. Ce sont les derniers cercles du pouvoir qui tentent de sauver le peu qui reste de l'ancien régime. Le peuple ne baissera pas les bras tant que le régime et tous les gens qui l'ont symbolisé depuis 23 ans sont encore là. Durant un mois, le peuple a lutté sans relâche contre la dictature, il a fait trembler la terre sous ses pieds, donc il ne va pas se laisser berné par des changements à l'intérieur du régime. - Selon le Premier ministre Mohammed Ghannouchi, Ben Ali n'est pas en mesure, que provisoirement, d'assurer ses fonctions. Peut-on imaginer qu'il reviendra dans les prochains jours ? Jamais, il est chassé définitivement du pouvoir. Les événements se précipitent et on ne sait pas comment les choses évoluent. Ben Ali a quitté le pays et des membres de la famille de sa femme, les Trabelssi, sont arrêtés à l'aéroport de Tunis. Je dois dire aussi que Mohammed Ghannouchi s'est autoproclamé président, mais il ne va pas tenir longtemps.
- Quel est le rôle de l'armée dans ce qui se passe ? Va-t-elle peser sur les événements ? Je pense que cette institution joue un rôle dans le maintien de l'ordre, mais pas un rôle politique. Le régime de Ben Ali durant son règne s'est appuyé sur la police, les politique et les services criminels. Dans la situation de dislocation du pouvoir, l'armée peut effectivement jouer un rôle dans une transition politique. - Comment voyez-vous la Tunisie de demain ? Il faut dire que c'est la confusion totale qui règne en ce moment dans le pays. Personne ne peut prédire quelle direction prendront les évènements. Ce qui est sûr par contre, est que le peuple ne va pas se taire et on ne pourra pas lui enlever sa victoire contre la dictature. Aux forces politiques d'opposition, toutes les organisations de la société civile et les syndicats, d'agir rapidement pour imposer la volonté populaire et travailler pour l'instauration de la démocratie et mettre un terme à l'ancien régime.