Les 24 heures, qui ont suivi la fuite de Ben Ali, ont été marquées par un climat d'insécurité créé par des gangs armés. Tunis. De notre envoyé spécial Des brigades d'autodéfense sont improvisées aux accès de chaque quartier, parfois dans chaque résidence. C'est le cas dans la périphérie de la capitale, notamment à El Menzah et El Manar. Les 24 heures qui ont suivi la fuite de Zine El Abidine Ben Ali ont été marquées aussi par un climat d'insécurité créé par des gangs armés. Ces derniers, contrairement aux jeunes émeutiers qui cassaient tout sur leur passage en signe de protestation, semblent agir dans un but précis. Des citoyens rencontrés à El Manar II, munis de barre de fer, parlent de milices à la solde des barons du système Ben Ali. Ces derniers chercheraient à semer la terreur pour faire diversion ou régler des comptes, explique Nadji, un quinquagénaire rencontré hier au bas d'un immeuble. «Ce sont sûrement les hommes de Serriati (un haut responsable de la police, proche de Ben Ali, ndlr), Hamdoullah, il a été arrêté aujourd'hui.» Ces milices s'attaquent aux biens et aux personnes. Aussi, les populations se réjouissent du déploiement de l'armée après le retrait de la police. A l'aéroport, la police des frontières a été remplacée par des agents des services aéroportuaires. Quelques centaines de mètres plus loin, pourtant, à la place dite du Colisée Sola, l'armée a installé un point de contrôle, conformément aux dispositions du couvre-feu entré en vigueur depuis hier, probablement pour protéger entre autres une succursale de la banque UIB, filiale de la Société générale et le siège de Tunisie Télécom. «Hier, ils ont pu arrêter l'un d'eux, en possession de pistolets. Qui sont ces gens si ce n'est des agents en mission», ajoutera Nadji, sceptique et dépité par le dérapage de la situation. Le déplacement des personnes a été réduit à néant à partir de 17h. Pas le moindre véhicule sur les routes, exception faite de quelques taxis conduits par des aventuriers. L'accès au centre-ville est interdit. Les voyageurs débarqués à l'aéroport Tunis-Carthage en fin d'après-midi ont été bloqués et obligés d'y passer la nuit. Des chars déployés dans les carrefours et des soldats arme au poing, veillent à l'application stricte de leur mission et interpellent le moindre véhicule. Tunis, Sousse, Sfax et Hammamet vivent la même situation d'insécurité totale. Par ailleurs, cette même situation a conduit à des pénuries inédites. Dans les quelques boulangeries qui ont pu ouvrir hier, de longues files ont marqué la journée en quête de pain. Un pain rationné et limité à cinq baguettes par client. Dans plusieurs villes, c'est la distribution de lait qui a été interrompue. Les Tunisois, rencontrés hier soir, espèrent à l'unanimité que cette situation cauchemardesque pour eux, change dans les jours qui suivent au fur et à mesure de la reprise en main des affaires du pays par les politiques chargés d'assurer la transition.