La mort des deux otages français, lors d'un assaut militaire franco-nigérien contre les ravisseurs, continue de susciter des interrogations. Les faits avancés par la France officielle viennent d'être contredits par Al Qaîda, qui reconnaît n'avoir exécuté qu'un otage. Le second a été tué, selon l'organisation, par les tirs aériens. Le Niger nie avoir reçu des prisonniers, tel que révélé par Alain Juppé. Après avoir décliné toute responsabilité dans la mort des deux otages français, Vincent Delory et Antoine de Léocour, enlevés le 8 janvier dernier à Niamey, au Niger, la France officielle a du mal à convaincre. La version qu'elle a avancée vient d'être contredite par Al Qaîda, que le Niger a jeté un pavé dans la mare en niant avoir reçu des terroristes présumés arrêtés à l'issue du raid militaire aérien. Hier, Al Qaîda a enfoncé le clou en avançant «la vraie version» des faits l'opposant ainsi à ce qu'elle a appelé le «faux récit» des autorités françaises. «En dépit des avertissements, les avions français ont bombardé les véhicules des moujahidine. Les moujahidine ont alors emmené l'un des otages loin du véhicule visé, mais ils n'ont pu prendre l'autre qui a été tué par les Français plus tard dans le bombardement et non par des balles des moujahidine. Avec les frappes aériennes constantes des troupes françaises, les moujahidine ont pensé qu'ils n'allaient pas s'en tirer, alors ils l'ont tué d'une balle dans la tête et ont décidé de tuer des soldats nigériens», est-il écrit dans le communiqué diffusé sur un site web islamiste, et repris hier par la presse internationale. L'organisation terroriste a également affirmé que lors du raid, elle a «tué et blessé» quatre Français et douze Nigériens en disant que la France «n'a pas tiré les leçons des échecs précédents», certainement faisant allusion à l'exécution de l'humanitaire français, Michel Germaneau, en juillet dernier sur le sol malien. En fait, la version d'Al Qaîda rejoint les propos tenus, la veille, par le procureur de Paris, selon lesquels «l'autopsie a révélé des impacts de balles sur les corps des deux hommes. Antoine de Léocour a été tué d'une balle dans la tête, tirée avec une arme automatique à bout touchant». Le magistrat a expliqué que «les causes de la mort sont plus difficiles à établir pour Vincent Delory, dont tout le bas du corps a été carbonisé et qui présente cinq plaies par arme à feu». Ces révélations sont intervenues alors qu'une polémique était engagée entre Niamey et Paris sur la capture de membres d'Al Qaîda lors de l'opération militaire et les circonstances de l'assaut mené conjointement entre les forces des deux pays, non loin de la frontière avec le Mali. «Il n'existe pas actuellement de terroristes auditionnés par nos services. Je peux affirmer que les services compétents nigériens ont reçu des autorités françaises, en deux phases, six cadavres et deux blessés», avait déclaré le ministre nigérien de l'Intérieur, Cissé Ousmane, en réponse à la déclaration à la presse d'Alain Juppé, selon laquelles deux ravisseurs ont été arrêtés et remis aux enquêteurs nigériens. Selon Alain Juppé, «l'enquête sur les preneurs d'otages était menée par les Nigériens» et que les Français «ne participaient pas à l'interrogatoire des deux prisonniers». Mieux, certains experts français de la lutte antiterroriste qui se sont exprimés sur les plateaux des chaînes de télévision (françaises) ont évoqué des «complicités» dont aurait bénéficié Al Qaîda, auprès de certains militaires nigériens qui avaient participé au raid contre les ravisseurs. Parmi ces derniers, ont-ils noté, certains seraient même impliqués dans la mort des otages. Affirmations qui rendent les circonstances du déroulement de l'offensive militaire française encore plus énigmatique, d'autant qu'à ce jour, le lieu où sont détenus les présumés ravisseurs que les militaires français disent avoir arrêtés, n'est toujours pas connu. Les deux pays, le Niger et la France, se renvoient la balle, accentuant encore plus les inquiétudes quant au sort réservé aux sept otages, dont 5 Français, un Togolais et un Malgache, détenus au nord du Mali, depuis plus de deux mois.