Les événements de Tunisie et l'extension des foyers de contestation dans plusieurs pays arabes seront au centre du sommet économique et social des chefs d'Etat de la Ligue arabe qui s'ouvre aujourd'hui dans la station balnéaire de Charm El Cheikh en Egypte. Faudra-t-il attendre quelque chose de ce nouveau rendez-vous des dirigeants arabes au plan de la coopération interarabe, qui reste marginale et en total déphasage par rapport aux discours et aux engagements pris solennellement à l'occasion des précédentes assises, dont la dernière rencontre s'est tenue au Koweït il y a deux ans ? Bien qu'il s'agisse d'une rencontre à caractère économique et social, il sera difficile, au regard de l'actualité tragique que traversent certains pays arabes, de faire l'impasse sur la dimension politique du vent de contestation qui balaie le monde arabe. Remarque pertinente du ministre des Affaires étrangères du Koweït, Mohammad Al Sabah, qui rappelle fort opportunément que «face aux insurrections, les citoyens arabes se demandent si les régimes arabes actuels peuvent répondre à ces défis de manière dynamique». «Les régimes peuvent-ils répondre aux souffrances du citoyen arabe ?», s'est-il interrogé lors des travaux préparatoires des chefs de la diplomatie arabe. Le spectre des changements politiques intervenus en Tunisie à la suite du renversement, dans les conditions que l'on sait, du régime de Zine El Abidine Ben Ali, planera sans doute sur les travaux de ce sommet. A la suite des convulsions sociales enregistrées en Tunisie et en Algérie avant de se propager comme une traînée de poudre dans plusieurs pays arabes, les dirigeants arabes, pour prévenir ou endiguer des mouvements sociaux, se sont empressés de baisser les prix des produits de consommation de base, comme l'avait fait l'Algérie. Une recette qui semble avoir porté ses fruits. Mais jusqu'à quand ? Le malaise social est toujours là. Les causes structurelles qui l'ont généré et entretenu sont loin d'avoir disparu avec l'action de régulation des prix décidée par les pouvoirs publics, qui ne s'inscrit pas dans le cadre d'une politique réfléchie mais d'une démarche politique, dictée par la conjoncture sociale explosive. Il est symptomatique de relever, aujourd'hui, que les revendications des peuples arabes ont fondamentalement changé. Y compris dans les pays présentés comme les plus pauvres du monde arabe, à l'instar du Soudan où des manifestations ont également éclaté, demandant le départ du «régime totalitaire de Khartoum». La même soif de changement démocratique est également exprimée par les Yéménites et dans d'autres capitales arabes qui se sont mises à l'heure tunisienne. Ce qui s'est passé en Tunisie est la preuve par la rue que même les régimes les plus autoritaires qui se sont maintenus au pouvoir par la force et la répression n'y pourront rien contre le souffle du changement et de la liberté des peuples. Les dirigeants arabes ont-ils l'intelligence et la volonté sincère d'entamer des réformes pour se mettre au diapason des aspirations populaires et de l'histoire ? Après la chute du mur de Berlin, le vent de la démocratie a soufflé partout, dans les ex-Républiques de l'Est, en Afrique, en Asie… Les dirigeants arabes, quant à eux, continuent à faire de la résistance. L'épisode tunisien gagnerait à être sérieusement médité.