Plus que jamais conscients de la précarité de leur règne après la chute brutale de Ben Ali, les dirigeants arabes planchent depuis hier dans la station balnéaire égyptienne de Charm El-Cheikh sur les voies et moyens à même de leur permettre de bien contrôler la situation et s'épargner des scénarios similaires à celui de la Tunisie. La multiplication des manifestations de soutien au peuple tunisien et les nombreuses tentatives d'immolation par le feu dans certains pays, dont l'Algérie, ont sans aucun doute, donné à réfléchir aux présidents et souverains arabes, qui se rencontrent pour la première fois depuis la “Révolution du Jasmin” en Tunisie, dont la conséquence aura été le départ précipité de Zine El Abidine Ben Ali. Il faut croire que l'onde de choc aura été puissante, tant le régime de Ben Ali semblait solide et difficile à ébranler. Ce rendez-vous égyptien, dominé par les événements en Tunisie, qui constitue la première réunion des chefs d'Etat arabes depuis le départ vendredi dernier, sous la pression populaire, du président tunisien Zine El Abidine Ben Ali, après 23 ans de règne, sera à coup sûr mis à profit par les participants pour étudier sérieusement la situation et en sortir avec des solutions aux causes qui sont à l'origine de cette grogne populaire. Les gouvernements arabes, qui ont multiplié, ces derniers jours, les appels à l'union et à la restauration de la stabilité en Tunisie, cachent mal, en effet, leur inquiétude de voir les événements de Tunisie faire tache d'huile. Le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, a mis le doigt d'emblée sur le problème essentiel de ce sommet en déclarant à son ouverture : “La Révolution en Tunisie n'est pas éloignée de ce que nous discutons ici. L'âme arabe est brisée par la pauvreté, le chômage et le recul des indices de développement.” Il a également souligné la nécessité de parvenir à des “succès réels” dans ces domaines. Lui emboîtant le pas, le président égyptien Hosni Moubarak n'a pas parlé directement de la Tunisie, mais a souligné que le développement économique et social était devenu “une question qui concerne notre avenir, notre continuité, et constitue une exigence pour la sécurité nationale”. La déclaration du chef de la diplomatie koweïtienne Mohammad El-Sabah : “Des peuples mènent des insurrections (...) et les citoyens arabes se demandent : est-ce que les régimes arabes actuels peuvent répondre à ces défis de manière dynamique?” traduit bien le souci des dirigeants arabes. Il suffit de prendre connaissance du contenu du projet de déclaration du sommet qui souligne le caractère prioritaire de la sécurité alimentaire dans le monde arabe, pour comprendre que le principal souci des responsables arabes est de remplir l'assiette de leur peuple. Outre garantir la sécurité alimentaire, il est question de créer des postes d'emploi, de lutter contre le chômage et la pauvreté, qui constituent deux des principaux facteurs déclenchant des émeutes. Il était question de confirmer l'engagement, pris lors du précédent sommet économique arabe en 2009 au Koweït, de créer un fonds de deux milliards de dollars pour financer les petites et moyennes entreprises, afin notamment de soutenir l'emploi. À noter que l'exemple de la “Révolution du Jasmin” tunisienne a été exploité par l'opposition au Soudan, en Jordanie ou en Egypte, pour démontrer que les régimes autoritaires qui dominent le monde arabe peuvent céder devant la pression de la rue. Enfin, le ministre tunisien des Affaires étrangères, Kamel Morjane, a quitté l'Egypte hier matin sans assister au sommet économique arabe de Charm El-Cheikh auquel il devait représenter son pays, a indiqué une source aéroportuaire, qui a ajouté que le chef de la diplomatie tunisienne est parti dans la nuit de mardi à mercredi de Charm El-Cheikh pour Le Caire, d'où il a décollé pour la Tunisie dans la matinée.