Que reste-t-il de la série d'émeutes et d'immolations du mois écoulé ? Le suicide se banalise, les «émeutiers» passent devant la justice et les autorités promettent, encore, plus de «dialogue». El Watan Week-end a fait le point. Une trentaine d'immolations par le feu depuis la mi-janvier et toujours aucune réaction officielle face à cette forme de contestation extrême. Mal-vie, sentiments d'injustice, chômage, problèmes de logement, autant de raisons qui ont poussé ces citoyens des quatre coins du pays à tenter de se suicider pour dénoncer les autorités. Le cas le plus impressionnant aura été celui des vingt harraga qui ont préféré brûler leur embarcation plutôt que d'être interceptés par les gardes-côtes de Annaba. Trois morts jusque-là, et beaucoup de blessés. Mais si au début, ces signaux de détresse extrême n'étaient jusque-là lancés que par des chômeurs, la tendance s'est inversé à la fin du mois de janvier avec deux cas d'employés qui n'ont pas hésité à dénoncer leur situation précaire au travail : un agent de sécurité de l'Algérienne des eaux à Tizi Ouzou et un agent de sécurité temporaire de la Banque de développement local (BDL) à Staoueli. Signe encore plus fort, ce dernier avait tenté de s'immoler avec sa fille handicapée ! Une enquête aurait été commandée par le président de la République pour faire le point sur ces immolations, mais les jours et les semaines passent sans que les questions que posent ces personnes désespérées aient d'échos chez les autorités. Senouci Touati, 34 ans, chômeur de Mostaganem qui avait tenté de s'immoler par le feu le 15 janvier dernier a eu le temps de se remettre de ses blessures et a entrepris d'écrire une lettre au président Bouteflika pour le sensibiliser sur sa situation et surtout menacer de retenter cette immolation si les autorités ne lui viennent pas en aide. «Je suis déterminé à faire entendre ma voix quitte à mourir, à quoi bon vivre dans cette misère et en supportant la hogra», a-t-il précisé hier. Fatema Abou, la femme qui s'était aspergée d'essence près du siège de l'APC de Sidi Ali Benyoub (Sidi Bel Abbès) n'en attend pas moins. «On m'a contactée de la daïra pour que je dépose un dossier de logement quelques jours après ma tentative de suicide publique et une délégation de la wilaya est venue visiter les deux pièces dans lesquelles je vis avec les dix membres de ma famille, mais, depuis, plus rien.» Le désespoir reprend son cours pour Fatema, comme pour les autres suicidaires pendant que le phénomène tend cruellement à se banaliser.