Le jeune qui a tenté de s'immoler par le feu, avant-hier, devant le siège de l'APC de Boukhara, à 35 km au nord de Tébessa, se trouve actuellement au service de réanimation à l'hôpital Ibn Sina des grands brûlés de Annaba. Il est hors de danger, apprend-on auprès de ses proches, rencontrés hier dans la ville minière de Boukhara. Issu d'une famille pauvre, Boutarfif Mohcen, chômeur, âgé de 27 ans, père de deux enfants, est sans domicile. Il a tenté de s'immoler par le feu, avant-hier vers 11h, après s'être aspergé d'essence. «On ne s'attendait pas à ce que Mohcen passe à l'acte, il était toujours le plus sage de tous les jeunes du village», nous dira un voisin du jeune suicidaire. En effet, le jeune Mohcen, marié depuis plus de trois ans, vit dans une situation déplorable ; il s'est rapproché à maintes reprises de la mairie pour demander du travail, même dans le cadre du filet social, mais en vain. Il essuyait à chaque fois, comme d'autres jeunes de la petite ville, un refus catégorique, notamment lors de l'avis de recrutement dans la société minière de Boukhara. Mohcen s'est rapproché avant-hier du bureau du P/APC pour postuler à un poste de travail, mais ce dernier a refusé même de le recevoir, ce qui l'avait déçu. «Le P/APC se serait moqué de lui, en lui disant : Pas de travail, va faire comme Bouazizi de Zaghouane, immole-toi.» Mohcen est tout simplement passé à l'acte, parce qu'on s'est moqué de lui, nous a confirmé son cousin. «Comment un maire peut-il dire ce genre de choses ?» se demande un autre riverain. La victime sera évacuée vers l'hôpital de Haoum Ali, à Morsett, puis à l'hôpital des gra nds brûlés, Ibn Sina, de Annaba. Ce geste de désespoir avait provoqué alors une vague de contestations et de manifestations contre le chômage par une vingtaine de jeunes, qui seront dispersés par les éléments de la gendarmerie. Ils s'en prendront au siège de l'APC par des jets de pierres ; les vitres de plusieurs bureaux ont été brisées. Arrivé sur les lieux, le wali de Tébessa, afin d'éviter sûrement le pire, a destitué l'Assemblée populaire communale. Hier, plusieurs attroupements de jeunes et moins jeunes se sont formés ; ils ont bloqué la route menant vers la commune de Morsett pendant quelques heures en apprenant la fausse information faisant état de la mort du jeune Mohcen, rapportée hier par plusieurs chaînes de télévision. Une quinzaine de personnes se sont présentées hier après-midi au bureau du wali, qui leur aurait promis de prendre la question du chômage en main.
Bordj Menaïel : Mohamed s'effondre pour une histoire de logement
Le citoyen qui a tenté d'en finir avec la vie en s'immolant par le feu dans l'enceinte du siège de la daïra de Bordj Menaïel, après son «exclusion» de la liste des bénéficiaires du programme des 100 logements de sa localité, ne s'est toujours pas remis de ses blessures, dues aux flammes qui ont failli le dévorer, au nez et à la barbe des responsables de la même institution. Le fait est gravissime et traduit le sentiment d'injustice et de la hogra qui ronge des milliers de citoyens en mal de vivre dans leur propre pays. Le suicide semble devenu le seul moyen auquel recourent les citoyens pour se faire justice. Ce qu'a fait Mohamed Aouichia dans la matinée de mercredi dernier peut arriver à n'importe quel citoyen n'ayant pas trouvé écho ni suites favorables à ses doléances. Ainsi, comme beaucoup d'autres de ses concitoyens, M. Aouichia (41 ans) vit sous un toit qui ne répond nullement aux besoins de sa famille, composée de huit membres, dont une fille majeure. Son calvaire a débuté après l'effondrement de sa maison suite aux inondations survenues dans sa localité, Cap Djinet, en novembre 2001. La victime, qui travaillait comme agent de sécurité à la daïra depuis 2008 seulement, a été relogée dans un premier temps dans une école primaire. Six mois plus tard, les autorités lui attribuent un F3 qu'il a occupé avec sa petite famille jusqu'au mois de mai 2003. Après le séisme, il s'est retrouvé sous une tente, comme des dizaines de milliers d'autres familles de la région, puis dans un F1 qui lui a été attribué provisoirement en attendant la réhabilitation de son F3 qu'il avait occupé avant le séisme. «Au début, on lui a promis de regagner son logement (F3) dès la fin des travaux de confortement. Mais il a fini par y passer une décennie, voire même plus puisqu'il n'a toujours pas eu ce qu'on lui avait promis», nous dira un de ses proches. Malgré le poids des difficultés endurées, Mohamed continua de lutter pour avoir un toit répondant aux besoins de sa famille. «Il a frappé à toutes les portes et m'a confié avoir envoyé des lettres même à Belkhadem, lorsqu'il était chef de gouvernement, mais aucun d'entre eux n'a daigné répondre à ses écrits. Bénéficier d'un logement était son seul et unique espoir, voire sa raison de vivre. C'est pourquoi, d'ailleurs, il a tenté de mettre un terme à ses jours», nous confie un de ses voisins. «Une fois, il m'a dit que son problème sera résolu par le wali Ali Bedrici, qu'il a pu rencontrer en 2007, lorsqu'il travaillait à la wilaya, en vain», se souvient notre interlocuteur. Notons enfin que des centaines de logements sont inoccupés, voire abandonnés depuis plusieurs années à Boumerdès. Il y en a presque dans toutes les localités de la wilaya. Certaines unités (144 de la commune des Issers) ont été prises d'assaut par de jeunes manifestants lors des émeutes de la semaine écoulée.
Le jeune H. Saïd qui avait tenté de s'immoler par le feu, dans la soirée de vendredi dernier, a été évacué vers l'hôpital militaire de Aïn Naâdja, à Alger, selon une source médicale. La victime a été, dans un premier temps, transportée à l'hôpital de Jijel avant d'être transférée au CHU de Constantine. Le jeune H. Saïd, âgé de 26 ans, est célibataire ; chômeur, il endure des problèmes sociaux et familiaux. Par ailleurs, il a eu par le passé des démêlés avec la justice. Des personnes qui ont eu à l'approcher, peu avant son acte, soutiennent n'avoir rien décelé d'anormal dans son attitude ou son comportement.
Mostaganem : La détresse d'un jeune père de famille
Un jeune homme s'est aspergé le corps d'essence dimanche matin. Chômeur de son état, Touati Senouci, né en 1976 à Mostaganem, s'est présenté face à la direction de la sûreté de wilaya, située en haut du boulevard Benyahia Belkacem, pour commettre cet acte de désespoir. C'est grâce à l'intervention d'agents de l'ordre présents en nombre que le drame a été évité de justesse. En effet, c'est au moment où le jeune Touati Senouci mettait le feu à son corps, qu'il sera rapidement pris en charge par des policiers qui parviendront à éviter la propagation du feu qui avait pris au niveau des jambes. Accourus depuis leur caserne centrale, des éléments de la Protection civile, distante d'une centaine de mètres du lieu de l'incident, lui prodiguèrent les premiers soins. Malgré la célérité avec laquelle il sera secouru, un témoin présent au moment du drame constatera que le jeune homme a eu des brûlures profondes au niveau de la jambe gauche et une blessure au niveau du front, suite à sa chute sur le macadam. Il se fera rapidement évacuer à l'hôpital de Tigditt pour des soins d'urgence. Au moment du drame, Touati Senouci portait sur lui plusieurs demandes d'embauche, ainsi que des lettres adressées à différentes administrations, malheureusement, elles sont demeurées sans suite. Lettres par lesquelles il alertait, entre autres, le wali, le chef de daïra et le maire de Mostaganem sur sa situation matérielle indigente. Suite à cette tentative avortée d'immolation, la police judiciaire a ouvert une enquête afin d'en savoir davantage sur ce dramatique destin qui a failli basculer. Selon les déclarations de son frère, rencontré à son chevet au niveau des urgences, ce jeune natif de Mostaganem serait un ancien militaire. Il aurait effectué 4 années comme simple soldat au niveau d'une caserne de la périphérie d'Oran, à Aïn El Beïda précisément. Depuis son départ de l'armée en 2000, le jeune était retourné vivre avec les 9 membres de sa famille au niveau de la cité du 5 Juillet où ils occupent un F3. Son père, âgé de 70 ans, était gardien au niveau de l'Edimco, une entreprise publique locale dont il est aujourd'hui retraité. Célibataire malgré ses 34 ans, Touati Senouci n'a pas d'emploi et sa famille ne survit que grâce à l'insignifiante pension de son père et au salaire de son frère. Ce dernier ne cachait pas sa stupéfaction à la vue de son frère recroquevillé sur lui-même sur ce lit d'hôpital, la jambe gauche entièrement enveloppée dans un lourd pansement. Le drame de son frère semble l'avoir profondément atteint ; tout en louant Dieu de le voir hors de danger malgré des brûlures profondes, il dira que personne n'est à l'abri d'un drame pareil, ajoutant que «le chômage et la mal-vie constituent, malheureusement, le lot commun de notre jeunesse».