Consultante et experte en sciences de la communication, Mme Khira Taleb réagit au phénomène de l'immolation par le feu qui affecte, ces derniers temps, les jeunes. -S'immoler par le feu !!! Peut-on en connaître l'origine et le pourquoi ? S'immoler par le feu, c'est offrir sa vie en sacrifice à une divinité, une cause, pour quelqu'un. Immoler, tuer rituellement un animal, un être humain en offrande à un dieu. L'immolation se fait par le feu, l'eau, la terre et le bois. -Pourtant, c'est une pratique inédite aux pays arabes, surtout maghrébins ? La pratique de l'immolation par le feu n'est pas inédite comme mode d'expression dans les pays arabes, maghrébins, surtout. Ces pratiques ne sont pas nouvelles. Depuis les années 1960, l'immolation est souvent utilisée par les contestataires des gouvernements en place. -Pourriez-vous nous citer quelques cas? En Juin 1963, un bonze bouddhiste s'immole par le feu à Saïgon pour protester contre le régime du président vietnamien Ngô Dinh Diem. Toujours pour protester contre l'invasion de son pays par l'URSS, en Août 1968, l'étudiant en philosophie tchécoslovaque Jan Palach s'immole sur la place Wenceslas à Prague. En 1983, sur la Place Rouge à Moscou, un citoyen russe s'immole pour protester contre le régime soviétique. En novembre 2007, au Luxembourg, afin de dénoncer le racisme et l'ostracisme dont elle fut victime comme beaucoup d'Africains dans les sociétés dites «occidentales», Maggy Delvaux-Mufu Mpie, mère de trois enfants, s'est immolée par le feu. Pour conclure, je dirais que l'usage de l'immolation ne date pas donc du 17 Décembre 2010 et n'est pas une «spécificité arabe». Les Japonais se faisaient «harakiri»: c'était un ultime geste de courage lié à la honte d'avoir échoué. L'échec étant considéré, par la société japonaise, comme un manque de courage et de bravoure, n'était pas pardonné, surtout chez les samouraïs. Malheureusement, avec les mutations profondes que subissent les sociétés, le fait de s'immoler n'est pas un geste de bravoure mais de désespoir qui nous laisse un goût amer et qui donne à réfléchir.