Même s'ils n'étaient qu'une trentaine à animer ce rassemblement, «c'est un succès politique à capitaliser», ont tenu à souligner les organisateurs. Premier test réussi pour la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD) en attendant la grande épreuve du 12 février : le rassemblement pacifique auquel elle avait appelé en soutien au peuple égyptien a bel et bien eu lieu. Prévu initialement devant l'ambassade d'Egypte à Hydra (à proximité de l'immeuble Antarès, en face de l'ambassade de France), le rassemblement s'est finalement tenu au carrefour de Hydra, place forte s'il en est. Les manifestants se sont ainsi regroupés devant les magasins Samsung après que la police ait bouclé les accès menant vers l'ambassade égyptienne. «Tout compte fait, c'est mieux ainsi : cela donne plus de visibilité à notre mouvement. Là haut, ç'aurait été un rassemblement à huis clos», se félicite un membre de la CNCD. Même s'ils n'étaient qu'une trentaine à animer ce rassemblement, «c'est un succès politique à capitaliser», toute proportion gardée, ont tenu à souligner les organisateurs. Il faut dire aussi que l'appel était peu médiatisé. Le rassemblement a duré près d'une heure, et les participants ont eu tout le loisir de scander leurs slogans et d'enchaîner les interviews devant les caméras de plusieurs chaînes étrangères (Al Arabia, France 24, Al Horra et Reuter). Pendant ce temps, les «CRS» étaient massés sur le trottoir d'en face, devant le showroom d'un concessionnaire automobile. Le dispositif de police, faut-il le préciser, était relativement léger, et aucun incident n'est à déplorer. Le rassemblement, rappelle-t-on, devait avoir lieu à 14h. A l'approche de ladite heure, les forces de l'ordre commençaient à s'agiter. Les manifestants ont été empêchés en grand nombre d'accéder à la rue Abdelkader Gadouche abritant l'ambassade d'Egypte. Vers 14h, une procession a démarré de la rue menant vers la placette de Hydra en scandant : «Irhal, irhal ya Moubarak ! Echaâb el misri rahou karhak !» (Moubarak dégage ! Le peuple égyptien ne veut plus de toi !). Des drapeaux et des banderoles étaient déployés. «Nous sommes avec les revendications du peuple égyptien frère», peut-on lire sur l'une d'entre elles. La police avait visiblement reçu instruction de ne pas intervenir. Le groupe de manifestants a donc pris tranquillement position sous le regard d'une foule de reporters, avant de se mettre à conspuer le régime de Hosni Moubarak. «Moubarak barra ! Massar horra !» (Moubarak Dégage ! Egypte libre), «Moubarak assassin !», «A bas les dictateurs !», «Djazaïr horra dimocratia», «Barakat ! barakat ! mel hogra barakat !», «Y en a marre de ce pouvoir», scandaient les frondeurs. Dans la foulée, le régime algérien est copieusement hué : «Djazaïr horra ! Bouteflika barra ! Système barra !» (Algérie libre, Bouteflika dégage ! Système dégage !) Un jeune lance : «Moubarak, Bouteflika, direct Saoudia !», allusion à «Zinochet» qui a trouvé asile en Arabie Saoudite. Des jeunes crient : «DRS Dégage !» Fodil Boumala, l'un des animateurs les plus en vue de ce rassemblement, improvise un petit discours : «Ce rassemblement, nous l'avons voulu un petit geste symbolique pour exprimer notre solidarité avec les peuples tunisien et égyptien frères et pour saluer leur victoire», dit-il, avant d'ajouter : «Le pouvoir veut isoler Alger et, nous, nous voulons récupérer Alger. Nous voulons récupérer notre souveraineté. C'est pour cela que nous appelons les Algériens à venir manifester massivement le 12 pour exiger un changement radical de régime.» Yacine Zaïd, militant syndicaliste, martèle : «Les peuples vont s'émanciper du joug des dictatures. C'est une certitude. Le peuple tunisien l'a dit, le peuple égyptien l'a dit, et maintenant, le peuple algérien va le dire le samedi 12 !» Analysant cette manifestation à chaud, Hamid Ferhi, du Mouvement citoyen de Aïn Benian et membre de la CNCD, dira : «C'est une victoire que d'avoir tenu ce rassemblement symbolique à cet endroit pour dire au peuple égyptien que son combat est le nôtre. Ce rassemblement aura ainsi permis de casser le mur de la peur. C'est un signal fort pour la population d'Alger. J'espère qu'elle recevra ce message positivement et que les gens vont venir en famille samedi.»