Pour sa première action à Alger dimanche dernier, le Comité national pour la défense des droits des chômeurs a réussi à mobiliser des jeunes sans emploi des quatre coins du pays. Une action qui s'inscrira dans le temps puisque les animateurs du comité sont déterminés à revenir à la charge prochainement. En attendant de nouvelles actions de rue, ils participeront à la marche demain. - Un Comité national pour la défense des droits des chômeurs, pourquoi une telle initiative ? L'idée de créer ce comité est venue du comité des chômeurs du Sud. Depuis 2006, ils lancent des mouvements de protestation et le hasard a fait que nous nous sommes rencontrés lors d'une réunion syndicale. Et c'est là qu'a émergé l'idée d'aller vers une structure nationale pour la défense des droits des chômeurs. Le 4 février, nous avons fait la déclaration de proclamation du comité. Nous avons désigné un bureau national provisoire et un comité exécutif. C'est là où nous avons appelé à une manifestation devant le ministère du Travail dimanche dernier.
- Peut-on avoir des détails sur la composante de ce comité, combien de chômeurs y ont adhéré, sont-ils tous des diplômés ? Pour le moment nous sommes dans une phase de construction. Nous ne sommes pas encore organisés de telle manière à vous donner ce genre de détails. Nous sommes dans un chantier et c'est encore inégal par rapport à l'ensemble des wilayas. Je vous dis également qu'un chômeur est un chômeur. Il n'y a pas de distinction entre un diplômé ou non-diplômé. Pour l'âge, nous avons reçu des chômeurs de plus de 50 ans. Nous pensons que ce comité est un espace autonome et démocratique et un moyen de lutte pour arracher des acquis pour un travail décent. Droit à la retraite, congé payé, droit à la sécurité sociale, droit syndical, etc. Agir au lieu de se suicider.
- Il s'agit donc d'un comité qui s'inscrit dans la duré… Evidement. Nous nous inscrivons dans la durée. Tant qu'il y a chômage, le comité existera. Et j'espère que nous serons à la hauteur pour défendre les droits des chômeurs. Le comité appelle l'ensemble des chômeurs algérien à s'auto-organiser au niveau local et à nous rejoindre pour défendre ensemble et dans l'unité le plus large nos intérêts. - Quel est votre plan d'action ? Pour le moment nous n'avons pas de plan d'action précis. Nous continuons de nous structurer. Il y a beaucoup de chômeurs qui nous appellent de toutes les wilayas. L'important, c'est d'abord de trier pour faire face à certains opportunistes qui veulent casser de l'intérieur. Nous avons demandé à ces gens de s'organiser, lancer des actions, élire leur délégué et démontrer leur bonne foi. Il y a une plateforme de revendications et des propositions de politique d'emploi comme alternative à respecter.
- Vous avez organisé un sit-in devant le ministère du Travail et vous avez été reçus par certains cadres… et des promesses, comme à chaque fois, ont été faites… L'unique promesse qu'ils ont faite, c'est qu'ils vont transmettre nos doléances au ministre et au gouvernement. On leur a dit que nous ne voulons plus de promesses, mais des solutions concrètes. Chacun de nos délégués a raconté, lors de l'audience, la complexité et le drame que vivent quotidiennement les chômeurs. Certains ont vu leur frère, cousin ou ami s'immoler ou se suicider. Ils ont également dénoncé la ségrégation dans le recrutement et les postes précaires.
- Quelles sont vos propositions et votre politique d'emploi alternative ? Nous considérons que le chômage, qui est une crise structurelle, est la résultante directe des réformes libérales imposées par les différents gouvernements à partir des années 1980. Elles se sont inscrites dans le processus de privatisation des entreprises et leur dissolution. Les gouvernements ont consacré la précarité de l'emploi au nom de sa flexibilité. Il y a aussi la politique de désinvestissement. De 1980 à 2010, la part de l'industrie dans le PIB était de 20% et elle est descendue à 6%. Il y a également un désengagement de l'Etat par rapport au secteur public. Avec les accords avec le FMI, il fallait, à l'époque, supprimer des postes d'emploi. Toutefois, il se trouve que depuis 1990, avec la flambée des prix du pétrole et avec 150 millions de dollars stockés, l'Etat n'a rien changé dans sa politique, au lieu de les réinjecter dans l'économie et construire des usines, il est resté sur la même politique des années 1990.
- Que demandez-vous exactement ? Toutes nos revendications sont réalisables, nous avons un capital financier et humain important pour créer des richesses. Nous demandons un travail décent, une allocation chômage pour tout demandeur d'emploi à l'ordre de 50% du SNMG. Nous avons dit aussi qu'il faut interdire les licenciements économiques. Il faut permaniser tous les travailleurs contractuels de tous les secteurs, ceux du pré-emploi et du filet social. Nous avons une politique d'emploi alternative. Il faut rouvrir des entreprises dissoutes et les préserver de la concurrence étrangère. Il faudrait encourager les entreprises communales, renforcer les EPIC de wilaya, ouvrir de nouveaux postes budgétaires, tous secteurs confondus, pour absorber le chômage et avoir un service public de qualité. Loin de tout racisme, nous demandons que la main-d'œuvre algérienne soit prioritaire. Nous demandons également à ce que les entreprise de sous-traitance soient dissoutes, par ce que c'est un lieu de vol et d'exploitation. Je vous donne l'exemple des entreprises privées de sécurité : l'Etat débourse 60 000 DA, mais l'agent armé ne touche que 20 000 et le reste est versé au chef. En plus, c'est un poste licenciable à tout moment.
- Des instructions ont été données sur l'emploi lors du dernier Conseil des ministres, qu'en pensez-vous ? Pour le moment rien n'est clair. Dans leur politique, ils disent qu'ils comptent s'appuyer sur les PME et PMI. Ils calquent cette démarche sur le modèle européen, mais en Europe il y a une grande industrie. La réalité a démontré également que les bénéficiaires prennent de l'argent sans donner signe de vie. Depuis son existence, jamais l'Ansej n'a fait son bilan de manière sérieuse. Réellement, il y a une minorité qui a relativement réussi. C'est impossible que ce dispositif règle le problème. C'est de l'argent jeté par les fenêtres et consacre même le vol.
- Que comptez-vous faire dans le proche avenir ? La manifestation du dimanche dernier nous a permis d'être visibles. Nous sommes devenus, en un laps de temps, un repère, et les chômeurs nous appellent de toutes les wilayas. Cela nous permet de nous construire. Notre challenge est la construction de l'organisation. Des gens commencent à réfléchir sur des manifestations de rue. Nous reviendrons à la charge. Nous réunissons nos forces et nous nous donnons un peu de temps de réflexion.
- Revenons à votre douloureuse expérience à Radio El Bahdja, où on est votre plainte au niveau de l'inspection du Travail ? Au départ, nous nous sommes lancés dans une grève légale et demandions un contrat de travail illimité, dans la mesure où nous faisons le même travail que les autres. Il y a une ségrégation salariale et de statut. A chaque fois qu'il y a une vague de permanisation, nous avons toujours été écartés. La législation du travail n'a jamais été respectée, même en termes de sanctions. Nos revendications sont légitimes et nous avons saisi toutes les institutions, sans aucune réponse, à nos jours. La plainte est au niveau de la justice. Et jusqu'à présent, nous sommes interdits d'accès à la radio, alors qu'aucune notification de licenciement ne nous a été adressée. Pour tout renseignement, contactez: [email protected]