Les systèmes totalitaires sont pavés de bonnes intentions. Cela se vérifie en Algérie. Les tenants du pouvoir, se présentant comme de fervents défenseurs de la démocratie et de l'ouverture politique, multiplient les déclarations à la presse nationale et internationale, martelant que l'Algérie n'est ni la Tunisie ni l'Egypte. C'est sans doute vrai, mais il y a de troublantes similitudes entre les régimes. Le pouvoir algérien, qui vient d'engranger le satisfecit américain après la levée formelle de l'état d'urgence, continue d'interdire mordicus les manifestations populaires à Alger en brandissant le risque d'attentats terroristes. En faisant des organisateurs des marches des alliés quasi objectifs de la menace terroriste, l'on n'est pas bien loin de l'attitude du fou de Tripoli qui accuse les insurgés libyens d'être à la solde de Ben Laden. Le parallèle n'est pas fait pour rehausser l'image du pouvoir algérien qui n'a eu de cesse d'annoncer, ces dernières années, le retour à la paix. Personne n'avait mis en doute, par ailleurs, la déclaration du premier responsable de la police nationale, en octobre 2010, lorsqu'il affirmait «Alger est à l'abri de la menace terroriste». Il s'agit tout bonnement d'un verrouillage politique et il serait hasardeux de s'en tenir aux félicitations des capitales étrangères, surtout lorsqu'elles expriment clairement leur «impatience» de voir la consécration de la liberté d'expression et d'association. La pression internationale ne retombe pas. Par contre, la contestation sociale et politique à l'intérieur du pays marque le pas. Le pouvoir s'autorise incontestablement un vrai sursis. Les syndicats ayant lancé des mouvements de protestation sont en partie satisfaits des annonces spectaculaires du gouvernement, allant jusqu'à rayer d'un trait les textes réglementaires qui avaient fait sortir les étudiants dans la rue. La mobilisation politique unitaire, à travers la CNCD, n'a pas pu éviter le spectre de la division. Là, le pouvoir en place n'a fait que récolter les fruits de son entreprise de dépolitisation profonde de la société. L'argument de la «séparation entre le politique et le civil» a étonné plus d'un observateur, s'agissant d'un mouvement éminemment politique qui vise rien moins qu'un changement de régime. La déliquescence politique et la diabolisation de l'opposition sont à un tel point qu'il est aujourd'hui possible de lire dans la presse le témoignage d'un chômeur qui raconte avoir été «accusé», lors de son arrestation d'être un militant du RCD. Depuis la traduction, au début des années 1980, des militants de la démocratie devant la défunte Cour de sûreté de l'Etat, le pouvoir ne fait que poursuivre, avec d'autres moyens, la guerre à toute opposition politique.