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Lettre de Tombouctou (II)
Publié dans El Watan le 01 - 12 - 2005

En 1979, hanté par ce problème de l'identité en tant qu'Algérien, dont le pays a été anciennement et longuement colonisé, je publie un gros roman Les 1001 Années de la Nostalgie qui va provoquer des remous en Algérie parce que je renvoie dos à dos le pouvoir politico-religieux de l'Age d'or arabe et la colonisation française.
Le personnage principal de mon roman s'appelle Mohamed SNP (Sans nom patronymique), ces trois lettres ont été octroyées par la colonisation française pour subtiliser les vrais noms des Algériens et ainsi les déposséder de leurs terres distribuées généreusement aux colons européens. Mohamed SNP, qui n'a donc pas de nom, va souffrir d'un problème d'identité aigu et pour découvrir sa vraie identité, il parcourt l'Algérie à la recherche de ses origines. Ce faisant, il remonte très loin dans l'Histoire berbéro-judéo-arabo-musulmane et découvre les désastres commis par les deux empires musulmans. Celui des Omeyyades d'abord qui régna sur l'ensemble de l'empire de 650 à 750 (capitale Damas,) puis de l'Espagne de 756 à 1030 (capitale Séville), celui des Abbassides, ensuite, fondé en 762 par Abbas Essafeh (Le Sanguinaire) et qui s'éteint en 1258 sous le coup de l'invasion mongole (capitale Baghdad). Dans Les 1001 Années de la Nostalgie, SNP découvre donc les horreurs de cet âge d'or et remonte jusqu'à la période de l'horreur coloniale et aux ratages de l'Algérie indépendante. « Ce soir-là, Manama eut le sommeil agité et Chajarat Eddour soupira en disant à son mari : ‘‘Dommage, j'aurais tant aimé que tu sois noir ! Mais ne te vexe surtout pas. C'est toi que j'aime.'' Alors Mohamed SNP demanda : ‘‘Raconte-moi Les Mille et Une Nuits.'' Dour raconta. ‘‘Faudrait-il te faire remarquer que les rois sont toujours cocus ? Que les femmes sont toujours plus intelligentes que les hommes ? Que les Noirs sont beaux et puissants ? Tu sais bien qu'il s'agit là de mythologie. Promets-moi seulement que, si je joue les Schéhérazade, tu me raconteras à ton tour et jusqu'au jour de notre mort qui surviendra à la même heure, l'envers du mythe et l'autre côté du miroir. La vie du peuple. L'esclavage. L'exploitation. Les palais à degrés donnant sur le néant. Les bourreaux sur la place publique. Les mosquées à coupoles transversales. La misère dans les quartiers de Koufa, là où est né Moutanabi. On en reparlera plus tard ! Il savait arrêter la pluie en étendant le bras. Surtout, il avait décérébré la langue arabe. C'est lui qui voulut être le dernier prophète ? Exact. Domestiqué la langue... A l'époque, l'Euphrate coulait dangereusement. Le Tigre aussi. Quand ils se rencontraient à Basrah, ils causaient chaque jour des déluges impitoyables. Qui donc envoya-t-on pour domestiquer les deux fleuves ? Les Noirs d'Abyssinie, du Harrar, de Zanzibar, de Madagascar, de Monbassa, et d'ailleurs. C'est pourquoi j'aime les Noirs. Tu aurais dû l'être. Un jour, je te teindrai de toute la douleur des esclaves accumulée pendant des siècles. Il était une fois un époux cocu. Il avait un frère. Non, un demi-frère. Cocu lui aussi. C'est ça l'autre côté du mythe ? Non, pas encore. Seulement, je t'explique le rôle des fornicateurs noirs. C'est l'exception. Il faut dire que les rois étaient moches et comme ils avaient d'innombrables concubines, ils n'en satisfaisaient aucune. Les femmes s'ennuyaient dans les sérails. Elles cultivaient la transgression. S'accoupler avec un Noir était tellement plus excitant. Deux péchés en un. Deux vengeances en une. Se méfier de mythes. L'autre côté du miroir ? Une histoire banale de pouvoir. Les dynasties s'enfermaient dans leurs contradictions. As-tu remarqué ? Les palais royaux étaient toujours construits en haut de pyramide. Entre eux et la première zone habitée, il y avait le vide. Ainsi Baghdad. Ainsi Damas. Chaque cercle concentrique représentait une classe. La contradiction n'avait jamais cessé de s'aiguiser. Il y eut des explosions. Des révoltes. Mais aussi de vraies révolutions ! Organisées. Structurées. Efficaces. Elles ne demandaient pas l'aumône. elles prenaient tout bonnement le pouvoir au fil de l'épée. Des exemples ? Du premier siècle du calendrier musulman au sixième, il y en eut cinq. Une par siècle. Authentique ! Ecoute. Prends-en note. Messaouda SNP en était restée aux dictateurs, aux despotes et aux pirates. Il faudrait le lui apprendre. C'est une aubaine ce film que l'on tourne ici. Cinq insurrections armées entre l'année 200 et l'année 749. Un. L'insurrection de Sindbad. Dans l'ouest de la Perse. Durée : trois ans. Deux. Celle d'El Moquanaa. Dans le Khorassan. Durée : dix ans. Trois. Celle de Babek. En Irak. Durée : sept ans. Quatre. Celle des Zindjs. En Mésopotamie. Durée : quinze ans. Cinq. Celle des Carmates. Dans tout l'Empire musulman. Durée : quatre cent cinquante et un ans ! Les Mille et Une nuits, c'est le tamis qui cache le soleil... » Si Yambo Ouologuem cherche avant tout, dans Le Devoir de Violence, son identité authentique et tente de dénoncer l'oppression raciale, dont étaient victimes les musulmans noirs du Sahel et de partout ailleurs en Afrique quand ils tombaient entre les mains des musulmans arabes. J'ai essayé, quant à moi, à travers Les 1001 Années de la Nostalgie, de faire une lecture contemporaine des Mille et Une Nuits, véritable roman anonyme et populaire qui dénonce les exactions des deux empires musulmans et préfigurent déjà l'avenir incohérent, violent, misogyne, raciste et inégalitaire du monde arabe contemporain. Vaste saga historique, Le Devoir de Violence retrace, depuis le VIIIe siècle, la geste des Saïfs, conquérants et maîtres du mythique empire de Nakem. Fabuleux prosateur de tous les excès et de tous les crimes ,Yambo Ouologuem dit les complexités de l'histoire de l'Afrique où l'esclavage et la colonisation sont même antérieurs à l'arrivée des Européens qui ne firent peut-être que reprendre à leur compte et en l'amplifiant dramatiquement un système fou qui existait déjà. Censuré plus qu'interdit par un tribunal, le roman a été réédité en 2003 par les éditions Le Serpent à plumes. Dans Les 1001 Années de la Nostalgie, à travers la chronique dérisoire d'une bourgade excentrique, travaillée par une conscience douloureuse portée par Mohamed SNP, transparaît une vision de la réalité historique arabe à la fois fragile et explosive, progressiste et réactionnaire, tout à la fois.

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