Les lois n° 90 - 25 du 18 novembre 1990 relative à l'orientation foncière et n°90 - 29 du 1er décembre 1990 relative à l'aménagement et l'urbanisme ont fortement étendu les compétences de planification urbaine des collectivités locales en transférant à celles-ci des prérogatives s'exerçant principalement à travers de nouvelles procédures PDAU (Plan directeur d'aménagement et d'urbanisme) et POS (Plan d'occupation des sols) «inspirées» directement des instruments d'urbanisme SD (Schémas directeurs) issus de la Loi française d'orientation foncière (LOF) du 30 décembre 1967 et qui semblaient tous désignés pour fonctionner en Algérie (le droit algérien de l'urbanisme étant lui-même plus ou moins rattaché à l'évolution du droit français de l'urbanisme).(1) Il faut dire que le souci des pouvoirs publics à l'époque était de mettre en place rapidement un moyen de maîtrise de développement urbain efficace au regard du vide juridique face à la spéculation foncière, à l'anarchie de la production du cadre bâti, à une urbanisation le plus souvent compromise et à l'essoufflement des politiques urbaines mises en place jusque là.(2) C'est ainsi que les SD allaient devenir les PDAU, et les POS garder la même appellation. Ces instruments remplaceront désormais les plans d'urbanisme directeurs (PUD) et les périmètres d'urbanisation provisoires (PUP). Vingt ans après, qu'en est-il ? A l'épreuve des réalités, si les PDAU et POS initiés par les collectivités locales ont été potentiellement efficaces, ils sont restés quand même inopérants pour la maîtrise de l'urbanisation et la modification effective du paysage urbain à l'intérieur et à l'extérieur des agglomérations. Pire encore, ils contribuent davantage, par le jeu des injonctions, au «flou urbain» généré par des extensions urbanistiques périphériques sans recherche particulière de références et qui forment des entités urbaines ne présentant aucune cohérence entre elles. Cette réalité constatée par tous, doit-elle nous amener à conclure comme, beaucoup d'entre-nous, que les instruments d'aménagement et d'urbanisme tels que fixés par la loi sont inefficaces et manquent de fiabilité ? Rien n'est moins sûr car l'inefficacité de ces instruments n'est que la conséquence de la manière dont nous les appréhendons et les utilisons car ils ne sont après tout que des instruments techniques. D'ailleurs, dans leur pays d'origine et plus de trente ans après, les lois «Solidarité et Renouvellement Urbains» SRU (2000-1208) issue d'un débat national et «Urbanisme et habitat» UH (2003-590) ne les ont pas supprimés mais réadaptés aux réalités locales dans leur acceptation régionale, tout en y apportant un cadre juridique plus approprié afin de les faire évoluer et tout cela sans toucher dans le fond aux outils essentiels dans la mise en œuvre des opérations d'aménagement.(3) Alors, faut-il faire table rase d'un droit de l'urbanisme en construction et d'une batterie d'instruments utiles à la planification urbaine au motif qu'ils ne sont pas bien de chez nous ? Faut-il engager une réflexion nationale impliquant les parlementaires, les élus, les pouvoirs publics et les citoyens pour déterminer notre vision de l'urbanisme futur à l'algérienne et notre manière de le pratiquer ? Le débat reste engagé et la question posée En attendant, il faut bien continuer et force est de constater qu'à ce jour, en Algérie, aucune réflexion effective n'a été menée par les pouvoirs publics sur : 1- au moins (puisque nous n'avons rien d'autre) la manière d'adapter ou «algérianiser» tout en les faisant évoluer ces instruments de base (même importés) dès l'instant que leur mise en œuvre depuis des années est confrontée aux réalités du terrain et que la maîtrise progressive dans l'élaboration des documents y afférents constitue aujourd'hui un acquis indéniable pour tous ceux qui contribuent de près ou de loin à l'acte d'urbaniser ; 2- et surtout, la mise en place (ce qu'auraient dû faire les pouvoirs publics en 1990 dès l'instant qu'ils avaient pris l'initiative et la responsabilité du choix et de la provenance géographique de ces instruments) de l'autre partie qui caractérise l'urbanisme dans son acceptation globale à savoir l'urbanisme opérationnel. Les instruments d'aménagement et d'urbanisme de 1990 définissent des interdits tout en indiquant ce qu'il serait souhaitable de réaliser. Or, de par leur nature, ils ne sauraient aller plus loin. Et c'est là où le bât blesse ! Rien, en effet, n'a été prévu concernant les «actions dont l'objet est la conception et la réalisation d'opérations de construction et d'équipements menés ou contrôlés par les autorités publiques» et qui sont «l'expression la plus forte de l'interventionnisme public dans le domaine urbain». L'inexistence d'un outil opérationnel en remplacement de l'ancienne zone d'habitat urbain nouvelle (ZHUN) et autorisant les collectivités locales à intervenir pour produire des terrains à bâtir ne contribue pas davantage à la compréhension des choses (le seul outil à la disposition des collectivités locales pour réaliser des opérations d'urbanisme est le lotissement, encore que ce dernier gagnerait à être revu tant les résultats sont catastrophiques). Les plans d'aménagement des POS approuvés s'arrêtant donc au niveau de la réglementation et en l'absence d'un urbanisme opérationnel public et transparent permettant des opérations d'urbanisme réfléchies contrôlées et initiées par les pouvoirs publics dont le seul but est avant tout de garantir l'intérêt de la collectivité, l'autorité administrative ne peut souvent qu'autoriser compte tenu de l'urgence (qui n'en est pas toujours une) les opérations de construction avant les opérations d'aménagement. Certes, faire de l'urbanisme opérationnel n'est pas chose aisée, car il fait intervenir des modes d'aménagements souvent complexes pour lesquels il faut mettre en place des procédures juridiques prenant en charge beaucoup de facteurs : études préalables et opérationnelles, création, articulation avec les documents locaux d'urbanisme, financement des équipements, etc. mais des solutions peuvent être trouvées. Il suffit d'une volonté forte, ferme et éminemment politique. Alors ? Débat national immédiat pour une réflexion critique sur l'état et l'évolution du droit de l'urbanisme en Algérie ou d'abord mise en place effective de procédures permettant d'achever le processus engagé en matière de prévision et de gestion urbanistique ? La question, encore une fois, reste posée. Notes de renvoi : 1) Aziz Bachir Bensalem Introduction à la connaissance du droit de l'urbanisme en Algérie, politologue. 2) Saleh Bouchemel La production de l'urbain en Algérie : entre planification et pratiques, laboratoire RNAMS, centre universitaire Larbi Ben M'hidi, Algérie 3) Sylvain Demeure, Jean Yves Martin et Michel Ricard, La ZAC, Zone d'aménagement concerté, Editions Le Moniteur 2004