Le ministre des Travaux publics, Amar Ghoul, n'a pas pris de gants hier pour menacer le consortium japonais Cojaal de rupture de contrat en cas de non-respect des délais. «Des mises en demeure ont été adressées à Cojaal pour respecter ses engagements et aucune largesse ne sera permise», a lancé le ministre en réponse à une question sur les factures d'un montant de 1,2 milliard de dollars, avancées par ce consortium et que l'Agence nationale des autoroutes (ANA) n'aurait toujours pas payées. «Nous avons été très compréhensifs à son égard. Il a bénéficié d'importantes facilités, comme le paiement symbolique de l'énergie et de l'eau, l'expropriation rapide, des mesures de facilitation douanières et même une avance de 80 milliards de dinars qu'il n'a toujours pas restituée. Alors nous voulons qu'il respecte ses engagements à terminer les travaux dans les délais. Nous avons même accepté un échéancier pour juguler les lenteurs, mais sur le terrain les moyens engagés sont loin de permettre d'être dans les délais. Nous l'avons mis en demeure pour qu'il respecte les engagements contenus dans le contrat qu'il a signé», a déclaré M. Ghoul. «L'intérêt de l'Etat» Il reconnaît que certaines factures peuvent rester en suspens, mais, selon lui, elles sont loin du montant de 1,2 milliard de dollars dont il est question. «Aucune facture ne peut être payée sans qu'elle soit visée. Si les prix sont surestimés, si le travail fait n'est pas satisfaisant, si les tâches exécutées ne répondent pas aux normes de qualité, etc., l'Agence ne paie pas. Il faudra respecter les clauses du contrat, parce que, jusque-là, nous avons été très souples, mais la contrepartie tarde à venir…», a-t-il souligné. M. Ghoul affirme «comprendre» la situation du groupe (composé de six entreprises japonaises) qui, selon lui, est confronté à une crise financière mondiale. «Ils ont des problèmes internes de trésorerie. Qui me dit que les 80 milliards de dinars que nous avons avancés, et qui à ce jour ne sont pas restitués, n'ont pas été transférés vers les comptes de la société mère ? Nous ne pensons pas que leurs problèmes de trésorerie soient liés aux factures en suspens. Nous, nous voulons juste exiger le respect des délais. Nous ne faisons que défendre l'intérêt de l'Etat. Nous n'accepterons plus les retards et nous sommes décidés à rompre les contrats si nous constatons que les travaux du dernier tronçon de 125 km qui reste à réaliser n'avancent pas. Nous sommes conscients des difficultés rencontrées sur le terrain, et c'est pour cela que nous avons mis tous nos moyens pour les surmonter. Cependant, il n'est plus question de continuer à être aussi permissif. Nous ne payons que ce qui est réalisé, dans les normes, les délais et avec les prix prévus par le contrat», a lancé le ministre, coupant court à toute démarche de Cojaal pour la récupération du montant en litige. 700 000 emplois Ces déclarations interviennent en marge de la réunion tenue, hier, par M. Ghoul avec les cadres de son secteur et qui porte sur la nouvelle organisation, qui consiste en un projet de réaménagement de l'administration à travers la création de deux centres de formation, l'un pour les métiers des travaux publics, et l'autre pour la gestion et le management, ainsi qu'un centre de contrôle de la qualité des ouvrages. Pour ce qui est des deux instituts de formation construits gracieusement par Cojaal et l'entreprise chinoise CRCC-Citic, Amar Ghoul a déclaré qu'«ils seront réalisés dans le cadre des contrats qui lient les deux entreprises au gouvernement. Les assiettes et les financements sont prêts et les travaux devront être lancés prochainement». Le responsable a beaucoup insisté sur la ressource humaine évaluée à 51 000 fonctionnaires, 20 000 au niveau des structures centrales locales, et 31 000 au niveau des laboratoires et bureaux d'études. «Nous avons besoin de développer nos moyens humains pour être en adéquation avec les défis», a ajouté le ministre. Il a annoncé le projet de création d'une direction générale des routes qui aura pour mission de superviser les réalisations en la matière, et aussi d'une direction générale des travaux publics, qui se chargera plutôt de coiffer les projets du secteur, où 51 entreprises publiques sont impliquées. Il affirme qu'«il n'y aura pas de chevauchement» entre la mission de cette nouvelle direction et celles de l'ANA (Agence nationale des autoroutes), et l'AGA (Algérienne de gestion des autoroutes), qui sont des EPIC «chargées de l'exécution de la politique du gouvernement en matière de travaux publics». Pour M. Ghoul, les dernières mesures du gouvernement concernant l'emploi sont au cœur de cette réorganisation, puisqu'il est question d'impliquer les 4000 entreprises privées qui sont dans le secteur pour qu'elles étoffent leurs capacités humaines et achever les 3000 km d'autoroute et les ouvrages d'art, les 50 opérations maritimes et les 30 autres aéroportuaires à réaliser à court terme et qui vont permettre, selon M. Ghoul, la création de 700 000 emplois durant les quatre prochaines années.