C'est aujourd'hui la Journée de la femme ? Etonnant, parce que je suis une femme et que je serais pourtant tentée de dire que ce n'est pas mon jour !» lançait cette enseignante, il y a une année. Eh oui, c'est l'éternel 8 Mars «folklorique» alors qu'il est difficile d'évoquer, ne serait-ce que du bout des lèvres, les droits de la femme en Algérie ! Ce n'est pas seulement dans le machisme que la difficulté réside, mais bien dans le domaine du politique et principalement dans la nature du régime. Car il serait naïf de croire qu'uniquement avec des mouvements féministes, les revendications des femmes aboutiront et rendront à notre semblable sa place légitime dans une société qu'elle participe à pétrir de ses mains. Pourtant, le gouvernement algérien a ratifié en septembre 1995 la Déclaration de Beijing (1) qui consacrait l'égalité des sexes, comme principe fondamental à un développement harmonieux des nations. Cette déclaration engageait le pouvoir algérien à «mettre en place une législation équitable et en faveur de la famille ; intégrer une démarche ''Egalité des sexes'' dans les programmes nationaux et enfin sensibiliser l'opinion publique au principe d'un partenariat d'égal à égal au sein de la famille et de la société en général». Qu'est-il advenu du programme d'action de Beijing ? Il fallait attendre le 8 mars 2003, encore une considération politique conjoncturelle, pour que soient annoncées, sous la pression des ONG, deux mesures favorables à la mise en œuvre de la Déclaration de Beijing : l'installation d'une commission chargée de la révision du code de la famille, qui soumettra ses conclusions à l'APN, et l'amendement du code pénal qui permet désormais l'incrimination du harcèlement sexuel. A part cela, c'est le vide, et jusqu'à ce jour, il n'existe pas de cadre institutionnel qui permet le suivi et l'évaluation des programmes et des conventions ratifiées. Car, au–delà des luttes juridiques et du combat visant à changer les mentalités, il est une condition primordiale : c'est l'Etat de droit qu'il faut imposer. La lutte des femmes est indissociable des droits de l'homme, même s'il y a ceux qui pensent que les femmes sont libres parce qu'elles crient parfois leur colère. Ainsi, entre les envolées lyriques de nos monarques à travers l'Unique et sur la scène internationale et la réalité imposée aux Algériennes et Algériens, il y a une grande différence à l'image de la levée de l'état d'urgence : les marches restent interdites alors qu'obligation est faite aux partis politiques de ne manifester que dans… des enclos, à l'abri des regards. On est passé de la grande prison à ciel ouvert à une cage en plaqué or ! Et comme dans toute illusion, le réveil peut s'avérer brutal et on se retrouve alors avec des «politiques» de tout bord, s'efforçant à répandre, dans leurs propres pochettes idéologiques, la bonne parole du ministre des Affaires étrangères, en nous expliquant qu'ils sont, certes, des opposants mais qu'ils sont en plus… civilisés, éduqués. Dans son petit coin d'Algérie, la femme algérienne se retrouve finalement seule face à une société qui la juge, seule face à un poids social qui la culpabilise, alors qu'elle se doit d'être forte pour lutter, survivre et garder la tête haute afin d'affronter cette mécanique sociale qui la voudrait «comme ça et pas autrement»! Seule dans une vie qui n'est parfois pas celle qu'elle a choisie, mais déterminée à se battre pour ne pas prendre le risque de ne plus en avoir du tout. En cette journée symbole qui interpelle encore une fois toutes les bonnes volontés pour prendre conscience que l'Algérienne, plus que toute autre femme de par le monde dit moderne, subit une double exclusion : dans la cellule familiale et dans la société en général. Aussi me paraît-il opportun de dédier à toutes les Algériennes, en hommage aux sacrifices consentis à travers l'histoire, ces quelques lignes de l'écrivain colombien Gabriel Garcia Marquez, prix Nobel de littérature, qui résument l'importance de la femme dans la vie d'un homme, cause de son aliénation. «Je ne pourrai pas comprendre ma vie, telle qu'elle est, sans le rôle qu'y ont joué les femmes. J'ai été élevé par ma grand-mère et de nombreuses tantes qui se sont beaucoup occupées de moi et par des servantes qui m'ont apporté des instants de grand bonheur dans mon enfance… J'ai appris à lire avec une institutrice très belle, très gracieuse, très intelligente ; si j'ai aimé l'école c'est grâce à elle. Dans ma vie, il y a toujours eu une femme qui m'a conduit par la main dans les ténèbres d'une réalité qu'elles comprennent mieux que les hommes. A la longue, c'est presque devenu une superstition : je sens qu'il ne peut rien m'arriver de mal lorsque je suis entouré de femmes. Elles me donnent un sentiment de sécurité sans lequel je n'aurai pu réaliser tout ce que j'ai fait dans ma vie : en particulier je n'aurai pas pu écrire. Les hommes partaient à la guerre avec une carabine sans savoir où ils allaient, sans la moindre idée du moment où ils reviendraient et bien entendu sans se soucier de ce qui se passerait chez eux. Ils savaient que les femmes allaient se charger de tout, même de former les nouveaux soldats : cela sans autres ressources que leur propre force et leur imagination. Elles étaient comme ces mères grecques qui saluaient le départ de leurs hommes pour la guerre: ''Reviens avec ton bouclier ou sur ton bouclier'', autrement dit vivant ou mort, mais jamais vaincu.» «Avec la chute des dictatures autour de nous, les femmes tunisienne et égyptienne qui ont démontré au monde entier que la révolte et la manifestation ne sont pas l'apanage des hommes, ce 8 mars 2011, c'est mon jour et désormais, ce sera tous les jours le cas !» me rappelait l'enseignante. [email protected] - (1) La plate-forme d'action de Beijing est issue d'une conférence mondiale sur les femmes, en septembre 1995, et dont la Déclaration et le Programme d'action ont invité la communauté internationale à s'engager pour la promotion de la femme et l'égalité des sexes. La déclaration, signée par 189 Etats, les exhorte à mettre en œuvre tous les moyens vers une réelle égalité homme/femme, une politique de développement et un engagement vers la paix.